La sortie du président du PDCI, Henri Konan Bédié suscite de l’inquiétude à Man, dans l’Ouest ivoirien.
Le président du PDCI, Henri Konan Bédié a accusé des non nationaux d’être de possibles bras séculiers pour un hold-up sur la Côte d’Ivoire. Selon le leader du vieux parti ivoirien, ces non nationaux opèrent dans l’orpaillage clandestin qui serait une couverture à leur mission prochaine politique.
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Cette sortie du 7 juin dernier à Daoukro suscite à Man, dans la région de l’Ouest montagneux, où vit et exerce une forte communauté étrangère composée de maliens, guinéens et burkinabés, des inquiétudes.
À Man, 7info.ci a pris le pouls de la société manoise.
Kéïta Kassim est le secrétaire général de la communauté Malienne à Man. Il y vit depuis 1978. Pour lui, cette sortie du sphinx de Daoukro met à mal la cohésion sociale qui règne entre le peuple ivoirien et les non nationaux. <<Nous sommes à Man, nous vivons en parfaite harmonie. S’il y a des problèmes, nous cherchons toujours des solutions. La sortie du président Bédié, nous met mal à l’aise. Nous avons des compatriotes qui ont des champs, des terrains et d’autres biens. Certains sont venus nous voir, car ils ont peur>>, confie à 7info.ci Kassim Kéïta.
C’est une peur que Kassim et ses amis responsables de communautés tentent de dissiper chez leurs compatriotes. << Depuis la sortie du président Bédié, nos frères vivent la peur au ventre. Nous leur avons demandé de rester sereins car ce sont des paroles de politiques. Ce sont des langages de guerre et de division. Ceux qui sont malins n’agiront pas mais les plus naïfs agiront. Les palabres commencent toujours comme ça. Nous avons demandé aux uns et aux autres de rester sereins>>, a-t-il fait savoir.
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La communauté Burkinabè qui est la plus grande vit elle aussi dans l’anxiété à en croire Zié Jean-Marie, son premier responsable. C’est en 1968 que cet enseignant, foule le sol ivoirien. Pour lui, aucun étranger, surtout ceux du pays des hommes intègres, n’est venu en Côte d’Ivoire pour faire main basse sur ce pays. <<Je suis enseignant à la retraite. Si je suis venu en Côte d’Ivoire, ici, c’est pour aider à la formation des jeunes gens. Nous ne sommes pas venus pour autre chose. J’ai 36 ans d’enseignement. J’ai formé des cadres de ce pays. Je ne crois pas que les étrangers soient venus ici pour faire main basse sur quoique ce soit. Avec le Burkina Faso autrefois Haute-Volta, 2/3 du pays étaient rattachés à la Côte d’Ivoire et on l’appelait la Haute Côte d’Ivoire dans le temps. De nombreux Burkinabé se sont déplacés pour venir travailler en Côte d’Ivoire, soit dans les grands travaux ou dans les plantations>>, raconte Zié Jean-Marie.
Ces travailleurs venus du pays des hommes intègres ont, selon l’enseignant, contribué au développement de la Côte d’Ivoire. <<On est venu, en tant que frères, pas en tant qu’un peuple qui est venu exploiter et piller. Donc parler comme l’a fait le président Bédié ne nous laisse pas tranquille. Nous sommes venus aider pour qu’ensemble ce pays soit prospère pour nous tous. Que chacun ait quelque chose à se mettre sous la dent et puis que ce pays soit prospère pour un avenir radieux pour nous et nos enfants>>, soutient-il.
Zié Jean Marie dit faire confiance aux autorités ivoiriennes pour éviter de possibles débordements. <<Je pense que ce pays est un pays de droit. Les gens ne vont pas se lever après une telle déclaration pour s’affronter. Il ne faut toutefois pas exclure cette possibilité. Mais je pense que, quand les gens vont s’asseoir pour réfléchir, il va se trouver des gens pour dire non. On ne doit pas marcher sur cette voie. Mais sachez que les gens ont tout de même peur>>, relève Zié Jean-Marie.
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Au consulat de la Guinée à Man, la sortie du président du PDCI est une affaire de politique intérieure à la Côte d’Ivoire. Pour notre interlocuteur, la crainte découle des interprétations. << Nous avons vécu ensemble depuis longtemps. Moi je suis venu ici le 3 janvier 1969. J’étais célibataire et aujourd’hui, je suis marié à quatre femmes. J’ai beaucoup d’enfants qui sont nés ici et vont à l’école, certains même travaillent ici. Les gens qui ne comprendront pas se soulèveront un jour et c’est ce qu’il faut redouter. Le feu ne s’allume pas un coup, c’est par processus lent. Ce que le président Bédié a dit va à l’encontre de la cohésion sociale>>, s’indigne Diakité Souleymane, représentant le président de la communauté guinéenne à Man.
Du côté ivoirien, le représentant de la chambre des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire à Man, Gloudeh Gué Pascal, absent de la ville a été joint au téléphone par 7info.ci. <<Nous avons reçu une feuille de route claire du Président de la République. Tout ce qui se dit, nous n’avons pas besoin de juger. Nous demandons à tous, de mettre de l’eau dans leur vin. Le pays a trop souffert pour qu’on continue de nous faire des palabres qui peuvent embraser le pays. Je demande à tout le monde de faire preuve de maturité afin d’éviter à la Côte d’Ivoire une descente aux enfers>> recommande le chef Gué Pascal.
Si le chef coutumier est plus clément, certains leaders d’opinion sont très amers après la sortie de Aimé Henri Konan Bédié. <<Nous sommes à une période très sensible. Les années qui précèdent les périodes électorales sont souvent mouvementées. Alors, qu’un homme de la trempe de Bédié nous serve un tel spectacle, c’est simplement désolant. Il faut que Bédié nous dise exactement ses motivations à vouloir coûte que coûte mettre le pays à mal>>, martèle un groupe de jeunes leaders d’opinion.
La sortie de Bédié continue de susciter des commentaires dans les groupes de discussion dans les cafés et autres points de thé.
Man est réputée ville calme. Mais elle a aussi prouvé par le passé qu’elle pouvait s’embraser au détour de quelques manipulations politiciennes. Ici, l’affaire Kébé Bangaly, du nom d’un jeune dont le certificat de nationalité délivré par la justice était l’objet de controverse en 2009, est toujours dans les esprits. Le tribunal avait subi des dégâts quand le personnel était exfiltré, à la suite d’une marche qui avait paralysé la ville. Dans cette ville touristique où la joie de vivre est permanente, chacun prie pour éviter de revivre les événements qui ont secoué, à 80 Km au Sud, Duékoué, du 29 au 31 mars 2011. La Côte d’Ivoire vivait alors une grave crise post électorale avec des règlements de compte inter-communautaires.
Olivier Dan, Correspondant Ouest