Une disposition constitutionnelle ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Il ne faudrait pas que la suppression de l’âge maximum pour se présenter à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire soit plus qu’un verrou qui saute. Pourtant, c’est cette mesure qui fera le plus parler, qui sera la plus commentée, interprétée, chacun scrutant les arrières pensées du Chef de l’Etat.
L’âge du capitaine, en Afrique, n’est pas un problème en soi. Et c’est tant mieux. Tant qu’un homme a la force de diriger un pays, de faire grandir son peuple, pourquoi s’en priver? Mais, si une disposition constitutionnelle fixe un âge limite pour se présenter au suffrage universel, alors la supprimer a forcément un sens. Mais lequel? On pourrait dire qu’il y a de nombreux pays où aucune limite d’âge n’est présente dans la Constitution. C’est le cas en France, par exemple. Ce serait donc pour retirer une disposition qui n’a pas vraiment son utilité. Soit. Mais on voit mal comment, la mesure nouvellement introduite, ne servirait que de simple décor dans une nouvelle Constitution, sans qu’on songe à l’utiliser.
Alors à qui cette suppression d’un âge maximum pourrait-elle profiter? Il est clair que les interprétations iront bon train. Tellement, que toute la campagne référendaire sera polluée, phagocytée, par le débat sur les intentions cachées du Président.
On aura droit à des affirmations du genre « Alassane veut faire un troisième mandat » (ce qui reste constitutionnellement toujours impossible). Ou bien, « c’est pour Bédié qu’il le fait, il va lui rendre la pareille en 2020 ». Ou bien encore, le scénario du pire, « il se prépare à provoquer une élection présidentielle anticipée pour se représenter avec un vice-président et repartir pour deux mandats »…. Toutes les spéculations sauf le fond, qui revient, lui, à cette question : en quoi la troisième République fera entrer la Côte d’Ivoire dans la modernité, en quoi elle permettra une paix sociale durable et la prospérité au peuple ivoirien?
Le Président Ouattara pour aurait tout intérêt à lever l’hypothèque sur cette histoire d’âge pour dégager le terrain déjà broussailleux du débat constitutionnel. Pour qu’il ne soit pas pollué par des conjectures sans fin sur vos supposées intentions tactiques et « courtermistes », pour que le peule ivoirien puisse trancher en toute sérénité, dites-nous clairement, Monsieur le Président, puisque vous vous adressez à la nation à travers sa représentation ce mercredi 5 octobre, à quoi sert cette suppression du plafond d’âge des candidats dans le projet de constitution?
Philippe Di Nacera
Directeur de la publication