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Les Kenyanes mobilisées contre le harcèlement sexuel de rue

Mis à jour le 10 décembre 2019
Publié le 10/12/2019 à 4:30 , , , , ,
BBC Afrique credit

Dans l’un des plus grands bidonvilles d’Afrique situé au sud de la capitale, Nairobi, femmes et filles ont choisi de se mobiliser pour contrer le fléau du harcèlement sexuel dans les rues kenyanes. Souvent qualifié d’avant-garde dans les domaines des télécommunications et technologies, le Kenya se distingue cette fois dans le domaine social. À travers une campagne intitulée « Chalk Back », les jeunes femmes écrivent à la craie leurs propres expériences dans les rues et font du porte-à-porte pour sensibiliser la population.

Le Code Pénal définit le harcèlement sexuel comme « le fait d’imposer à une personne, (…) des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui : portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Des mots suggestifs, des gestes parfois, tel est le quotidien de nombreuses africaines. Si on le relève souvent dans les sphères privée et professionnelle, le harcèlement sexuel existe aussi dans la rue. Il est très répandu en Afrique et se perpétue en partie grâce à la loi du silence.

À Kibera, l’un des plus grands bidonvilles d’Afrique, une femme a décidé de lever le voile sur ce tabou et dire « stop » au harcèlement sexuel dans les rues. Dans une interview accordée à BBC Afrique, Zubeida Yusuf se confie et raconte la genèse du mouvement « Chalk black ». C’est symboliquement dans ces mêmes rues où elles subissent le harcèlement sexuel, que Zubeida Yusuf invite les femmes à s’exprimer en laissant un peu partout des messages à la craie, ou au feutre, destinés à leurs tourmenteurs. La jeune femme qui a vécu toute sa vie à Kibera explique que le harcèlement sexuel dans les rues a toujours rythmé sa vie et celle d’autres femmes. « Les hommes disent des choses comme : tu es très grosse (…) Dieu a-t-il utilisé son dernier morceau d’argile sur toi ? parce que tu as de gros seins et un gros derrière » explique-t-elle. Des paroles inélégantes qui peuvent à la longue avoir un impact psychologique sur les jeunes femmes qui les subissent, explique la jeune kenyane de 22 ans. « C’est beaucoup pour nous quand nous marchons ici » soutient-elle.

« Ça affecte l’estime de soi. Quand je m’assois seule, je me demande : « Suis-je vraiment aussi nulle ou aussi laide que cette personne l’a dit ? » confie également Caroline Mwikali à BBC. La jeune femme de 20 ans, résidente de Kibera, déplore que les auteurs de tels propos négligent les conséquences morales et psychologiques de leurs mots, regards et attitudes.

Avec le temps, Zubeida Yusuf explique qu’elle a appris à se défendre et aide d’autres femmes à faire entendre leurs voix dans des situations où beaucoup se sentent impuissantes. Elle aspire à devenir le porte-parole des plus jeunes et des plus fragiles. Elle parcourt ainsi la ville, de porte en porte, afin de sensibiliser la population et espère que la campagne « Chalk black » suscitera une prise de conscience à l’échelle nationale.

Selon l’Organisation des Nations Unies, « l’absence de données et de politiques nationales concluantes (…) sur le harcèlement de rue dans les pays est l’un des nombreux défis à relever pour combattre ce problème et assurer la sécurité des filles et des femmes dans les espaces publics ».

Dans les rues, l’éveil est en marche. Des messages tels que « Pourquoi les femmes ne pourraient pas être valorisées ? » ou « Respectez mon corps » jonchent sols et murs de Kibera. Ils semblent faire effet puisque depuis leurs révélations, des hommes se rassemblent confient Zubeida et Caroline.

Crédit photo : BBC Afrique

Manuela Pokossy-Coulibaly

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