Il m’appelle respectueusement et affectueusement Tantie. Sa voix résonne encore à mes oreilles… Quelques jours avant de partir à Paris, il est venu me voir. C’était sa dernière visite.
Je ne peux me résoudre à parler d’Amadou au passé. Il est là, je le sens ici même, dans mon cœur et dans celui de chacun de vous.
Et pourtant, on ne l’écoutera plus présenter, de manière si rigoureuse, ses dossiers ; on n’entendra plus le lion rugir. Le fils, l’époux, le frère, le père est désormais couché, pour toujours, sans voix: Amadou Gon Coulibaly s’en est allé.
Non, je ne veux plus pleurer. Je veux dire ma fierté d’avoir connu un tel homme.
Je veux confirmer que les paroles unanimes et positives qui ont été prononcées depuis six jours à son endroit, et qui continuent de l’être, sont toutes justifiées.
Oui, cet homme avait des qualités réelles. Des qualités professionnelles et des qualités humaines, que maintes fois j’ai pu constater.
Travailleur infatigable, chacun le sait ; un travail d’orfèvre, toujours bien fait ;
D’une loyauté sans faille à la cause qui lui tenait à cœur et à l’homme qui l’a portée ;
D’une attention constante aux Ivoiriens, à leurs besoins, avec une volonté acharnée de rendre ce pays meilleur pour ses enfants;
Et tout cela, dans la discrétion et la modestie que tous, nous admirions.
De ses qualités humaines, les exemples foisonnent.
En ce qui concerne nos rapports particuliers, j’en retiens deux, que je souhaite partager avec vous, car ils ont contribué fortement, l’un et l’autre, à affermir le lien qui nous unissait.
Mesdames et Messieurs,
Plusieurs parmi vous le savent. Un jour de 1999, des forces de l’ordre ont fait irruption au siège du RDR pour arrêter la Secrétaire Générale, en l’occurrence ma modeste personne. Comme je m’apprêtais à me rendre, Amadou s’est interposé et a déclaré qu’avant d’arrêter Madame Henriette Dagri-Diabaté, la Secrétaire Générale, il faudra d’abord l’arrêter lui, le Secrétaire Général adjoint. A sa suite, les camarades présents ont offert leur poitrine et nous avons été tous embarqués pour la Maison d’Arrêt de et Correction d’Abidjan (MACA).
Je pense souvent à cet épisode de ma vie qui révèle le courage, la générosité et le leadership d’Amadou Gon Coulibaly. Et je me dis, s’il a été un bouclier pour moi, la Tantie, qu’était-il alors pour sa mère, qu’était-il pour son épouse et pour ses enfants? Qu’était-il pour ses frères, ses parents et les membres de sa grande famille?
Un autre épisode, celui-là, moins connu.
Nous sommes en 2000. Je suis convoquée, toujours comme Secrétaire Générale du RDR, à la DST pour un interrogatoire. Encore une fois, celui qui m’accompagne est Amadou.
Arrivés dans la cour de la police, nous avons vu mon fils, gisant au sol, ensanglanté, méconnaissable, presque inanimé.
Amadou, choqué autant que moi, a alors manifesté une émotion qu’on lui connaissait peu : une larme a coulé sur sa joue.
Ces deux moments de vie militante ont contribué à marquer, à jamais, mon attachement pour Amadou: il n’était plus seulement, pour moi, l’homme politique avisé, le collaborateur efficace, mais un homme plein, généreux, courageux et affectueux.
Mesdames et Messieurs,
A quelques mois d’une échéance importante, l’unanimité que nous observons autour d’Amadou n’est-elle pas un signe pour rappeler à nos compatriotes et à nos leaders politiques de tous horizons, que la Paix dans laquelle nous vivons doit être considérée comme un bien commun, à préserver?
Je saisis cette triste occasion, pour dire : chers Ivoiriens, chers frères et sœurs, que vous soyez jeunes ou vieux, hommes ou femmes, du nord ou du sud, puisse la sagesse qui a permis aux ancêtres d’Amadou Gon Coulibaly, à l’époque de l’Almamy Samory Touré,
de faire l’économie d’un affrontement, nous inspirer tous.
Aux Jeunes de ce pays je veux dire ceci : « souvenez-vous c’est par les voies du travail et de la compétence qu’Amadou Gon Coulibaly est monté pas à pas jusqu’au sommet; souvenez-vous qu’il est mort à la tâche pour que notre pays continue sa marche vers le progrès et la prospérité, dans la Paix et la stabilité ».
A présent, au nom du Président de la République et de Madame Dominique Ouattara, au nom des Présidents des institutions, au nom du gouvernement, j’adresse nos condoléances à toute la famille Gon, à sa mère, Hadja Fatoumata, à son épouse, Hadja Assetou, à ses enfants, ainsi qu’aux populations de Korhogo et à toute la Côte d’Ivoire en deuil: nous mesurons la perte d’un grand homme et notre peine est profonde.
Amadou, tu es là. Tu nous écoutes et ta voix nous manque déjà.
D’où tu es, aide-nous. Aide-nous à consoler tes proches ; aide-nous, comme tu l’as promis en rentrant de France, à poursuivre la tâche de construire une Côte d’Ivoire prospère et en Paix. C’est désormais la mission que nous te confions. Repose en paix.
Qu’Allah t’ouvre les portes du paradis.