Le nouveau gouvernement ivoirien est connu depuis le mardi 10 juillet 2018. A la lecture de la liste gouvernementale, une première constatation saute aux yeux. Les ministères régaliens sont tous détenus par le parti présidentiel, exclusion faite des autres partis de l’alliance des houphouetistes. Je fais allusion aux ministères de la Défense, de l’Intérieur, de la Justice, des Affaires étrangères, de l’Economie et des Finances. En sus, on ne note aucune femme à la tête de l’un de ces ministères. Deuxième remarque, la présence seulement de deux personnalités issues de la société civile. M. Emmanuel Essis Esmel et Madame Aimée Zébeyoux. Tous deux, secrétaires d’Etat. Certes, la fonction ministérielle est, avant tout, un poste politique donc réservée aux hommes et femmes politiques, mais, il aurait été avantageux, pour notre démocratie républicaine, que la société civile eu été plus visible. Troisième remarque, c’est le nombre pléthorique des ministres. D’une trentaine dans l’ancienne équipe, on passe à quarante et un (41). C’est une véritable inflation ministérielle. Les ivoiriens, sur les réseaux sociaux, ne sont pas, majoritairement, d’accord avec cette « émergence » gouvernementale. Je suis d’avis avec eux. Quelle différence peut-on valablement faire entre le ministère des affaires étrangères et celui chargé de l’intégration africaine et des ivoiriens de l’extérieur ? Entre, le ministère de la fonction publique et le ministère de la modernisation de l’administration et de l’innovation du service public ? Entre le ministère de l’agriculture et le ministère des ressources animales et halieutiques ? Le ministère des mines, la géologie et le ministère du pétrole, de l’énergie et des énergies renouvelables ? Le ministère de l’environnement et du développement durable et celui de l’assainissement et de la salubrité, du ministère de la ville ? Etc. Mais, entendons nous bien, selon la constitution, c’est le President de la république qui définit et conduit la politique nationale. De ce qui précède, il est le seul à définir les priorités de sa gouvernance et à déterminer les moyens opérationnels pour y parvenir. Et le gouvernement est un de ces instruments de gouvernance. La constitution dispose que le Président de la république nomme les ministres sur proposition du Premier ministre. La loi fondamentale ne fixe pas un nombre limité de ministre. Le President de la république dispose donc, dans l’espèce, d’un pouvoir discrétionnaire.
En Afrique, nous avons des Etats avec des gouvernements numériquement plus important que celui de la Côte d’Ivoire. Par exemples, 110 ministres au Ghana voisin, 80 ministres en Guinée équatoriale, 71 en Afrique du Sud, 61 au Cameroun. Par contraste, nous avons des Etats avec gouvernements réduits, par exemples, le Cap-Vert, 11 ministres, les Comores 12 ministres, 21 au Bénin, 22 au Rwanda et non loin de nous en Gambie, le gouvernement du président Adama Barrow compte 18 ministres. Je pense que, bonne gouvernance oblige, la Côte d’ivoire devrait suivre l’exemple des derniers pays cités.
La Constitution du 08 novembre 2016 ne fournit pas, en dehors du Premier ministre, d’indications sur le nombre et la qualité des autres membres du Gouvernement. Nous avons trop de ministres en Côte d’Ivoire. Pour limiter l’inflation, je propose, sinon la constitutionnalisation, du moins la légalisation du nombre de ministre dans notre pays. Pour faire simple, inscrivons dans la constitution, le nombre de ministres et leur intitulé. Aussi, j’invite les députés et sénateurs à initier une proposition de loi portant révision constitutionnelle allant dans le sens de la limitation des membres du gouvernement à vingt (20). Ainsi par exemple, l’article 71 de la constitution pourrait être modifié comme il suit : « Le President de la république préside le Conseil des ministres. Le Conseil des ministres compte vingt (20) membres au plus ». A défaut, les parlementaires pourront faire une proposition de loi ordinaire (pourquoi pas organique ?) avec le même objet. Si la conjoncture sociale, politique ou économique l’exige, on procède à des ajustements par la technique de la révision.
Cette constitutionnalisation ou légalisation du nombre de ministre participerait de la bonne gouvernance et renforcerait davantage notre démocratie républicaine. Le droit est la réponse aux attentes et aux exigences sociales, économiques et politiques. Aujourd’hui, en Côte d’ivoire, la priorité c’est construire plus d’infrastructures sociales, créer davantage d’emplois pour les jeunes. L’affectation des dépenses publiques devrait aller dans ce sens de sorte à profiter au plus nombre.
Geoffroy-Julien Kouao
Juriste et écrivain.
Auteur de plusieurs essais dont « Et si La Côte d’Ivoire refusait la démocratie ? »