Un jour, un étudiant m’a dit ne pas trop comprendre mon admiration pour les footballeurs de la génération Drogba, mon respect pour Akissi Delta et sa formidable équipe de « Ma famille » et pour les chanteurs zouglou et Coupé Décalé dont Asalfo et DJ Arafat. Je lui ai répondu que, pour moi, ce sont des héros.
En effet, depuis trois décennies, la classe politique (le talon d’Achille de la Côte d’Ivoire) a réussi à faire de notre pays l’égérie de l’afro pessimisme. Pendant ces décennies tragiques, ce sont nos chanteurs, nos cinéastes, nos artistes-comédiens et nos footballeurs qui ont rehaussé, avec brio, l’image de la Côte d’Ivoire, grâce à leur talent (ce que la classe politique n’a pas). La Côte d’ivoire en guerre se qualifie pour la Coupe du monde de football, la Côte d’ivoire en guerre conquiert toute l’Afrique avec son Zouglou et son coupé décalé, la Côte d’Ivoire en guerre faire rire toute l’Afrique avec ses humoristes (volonté et déploiement de puissance).
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Je n’aimais pas la musique de DJ-Arafat (mon âge y est pour beaucoup), mais j’avais de l’admiration pour l’Homme, je le respectais. Il savait sublimer le 4e art. Oui, c’était un artiste, il avait compris très tôt que l’art c’est le mouvement, le changement, la créativité. L’art, ce n’est pas la répétition, ce n’est pas la récitation. Quel mérite a un poète du 21e siècle qui écrit des sonnets, des rimes plates, des alexandrins ? Il était en permanence dans l’outrecuidance, dans l’extravagance féconde, oui c’est ça l’art. Il donnait de la vitesse à la musique ivoirienne, avec lui la musique devenait mobile. Dj Arafat allait plus vite que l’innovation technologique, il enchainait sans discontinuer les rythmes, les surnoms et surtout il drainait du monde. Le politiste que je suis le suivait de loin, je voyais en lui, comme en Drogba, en Gohou Michel etc.., un leader. Arafat avait un plus, c’était un humaniste. N’est-ce pas lui le « président de la Chine ? » La chine renvoie dans son entendement à l’enfance en danger, en souffrance dont les malheurs sont souvent instrumentalisés à des fins mercantiles par des « humanistes libéraux». Il aimait et aidaient les enfants de la rue. Habitant dans le même espace géographique que lui, je voyais la joie que le vrombissement de sa moto-spectacle procurait à ces enfants de la rue et dans la rue, conséquences de nos inconséquences d’adultes.
L’onde de choc qui a traversé, hier lundi 12 aout 2019, toute la Côte d’Ivoire rappelle celles de 1983, 1989, 1993 et 2006, lorsque les ivoiriens apprirent les décès d’Ernesto Djedjé, Roger Fulgence Kassy, Félix Houphouët-Boigny et Doug Saga. Comme ses illustres devanciers auprès du Père-céleste, DJ-Arafat reste immortel, parce qu’il ne s’est pas contenté de vivre, il a existé. Nuance !
Geoffroy-Julien Kouao, Politiste et écrivain.