C’est après l’hommage national rendu aux treize soldats français tombés au Mali et à l’issue du sommet de l’Otan le 4 décembre dernier, qu’Emmanuel Macron a lancé l’invitation. Le 16 décembre, le président français souhaite rencontrer à Pau les présidents des pays du G5-Sahel pour « clarifier » la présence des troupes françaises dans la région. Si le ton paternaliste du discours de Macron a pu faire grincer des dents certains internautes ouest-africains, l’on se demande si les présidents du G5 Sahel répondront à l’invitation.
Il convient avant tout de nuancer l’« hystérie » ouest-africaine décrite par certains médias français à la suite des déclarations du président Macron. Certes, un sentiment de colère s’est brièvement fait sentir au Mali ou au Burkina-Faso au vu des derniers évènements tragiques, mais il convient de le nuancer, au sein de ces deux pays déjà et de ne pas l’étendre à l’ensemble de l’Afrique francophone.
« Je ne peux, ni ne veux voir des soldats français sur quelque sol du Sahel que ce soit, alors même que l’ambiguïté persiste à l’égard de mouvements anti-français, parfois portés par des responsables politiques ». Telle est la déclaration d’Emmanuel Macron qui a mis le feu aux poudres chez certains internautes ouest-Africains, au Burkina-Faso en particulier. Sur le site Le faso.net, l’on peut lire en commentaire : « Que Macron aille s’occuper des Français et qu’il nous laisse en paix avec nos démons à combattre ». Des propos aussitôt qualifiés d’« irresponsables » et
« d’immatures » par d’autres internautes burkinabés, rappelant que l’armée française est venue prêter main forte à la demande des pays africains. Des activistes du web suggèrent de faire appel aux Russes ou aux Chinois. Idée aussitôt qualifiée de naïve et fantaisiste par leurs compatriotes.
Dans son discours, Emmanuel Macron se félicitait par la suite de la présence des troupes françaises dans la région avant de marteler fermement :
« J’attends d’eux qu’ils clarifient et formalisent leur demande à l’égard de la France et de la Communauté internationale. Souhaitent-ils notre présence ? Ont-ils besoin de nous ? (…) Je veux des réponses claires et assumées sur ces questions ».
C’est en réalité sur ce point, sur le ton employé plus que les déclarations de Macron en elles-mêmes que se sont portées les critiques. Une manière de dire que le président français aurait dû employer un ton moins paternaliste en s’adressant aux dirigeants africains du G5-Sahel, qui sont ses pairs. La future rencontre a été qualifiée de « rencontre transpirant le paternalisme déplacé (…) de condescendance » frisant « l’insulte à nos Etats » a commenté un internaute burkinabé sur Le faso.net.
Dans une vidéo postée hier sur la page de son parti (Liberté et Démocratie pour la République), Mamadou Koulibaly, ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne, a interpellé le président Macron et appelé à nuancer l’existence d’un sentiment anti-français en Afrique francophone, où les français vivent en « parfaite harmonie » avec les populations qui les accueillent. Il suffit de se rendre à Abidjan pour s’en assurer, a-t-il lancé. « Quand on descend à l’aéroport d’Abidjan, le boulevard qu’on prend s’appelle Giscard d’Estaing, le pont qu’on emprunte s’appelle De Gaulle, la route qu’on prend pour aller à l’université s’appelle François Mitterrand. Non, nous n’avons ici en Afrique francophone rien contre les Français » a affirmé l’ancien président de l’Assemblée nationale. Par ailleurs, il y a quelques jours à peine, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta appelait les Maliens à ne pas « mordre la main » de ceux qui leur viennent en aide, dont la France.
L’avis de certains ne vaut pas la vérité de tous. Mamadou Koulibaly refuse donc l’existence de ce sentiment anti-français mais concède que la nouvelle génération africaine ressent un malaise en observant les relations entre la France et l’Afrique francophone. « Ce que la nouvelle génération veut, ce que nous voulons, c’est l’auto-détermination. Que nos chefs d’Etats nous rendent compte ici. Qu’ils ne soient pas obligés d’aller vous rendre compte pour se donner une certaine légitimité. Nous ne voulons plus être sous la tutelle de quelqu’un. Nous voulons redevenir des hommes libres » a soutenu le chef de parti de Nathalie Yamb.
À l’heure actuelle, la majorité des présidents du G5-Sahel (Burkina-Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) n’ont publiquement pas commenté l’invitation d’Emmanuel Macron. Le président burkinabé Roch March Christian Kaboré a cependant confirmé sa venue. « Nous allons répondre à cette invitation et nous aurons l’occasion de nous parler franchement » a-t-il déclaré à l’issue d’une cérémonie.
Pour Geoffroy Julien KOUAO, Politologue ivoirien : « La France et les Etats du G5 sahel doivent jouer balle à terre. La France n’agit pas au Sahel par solidarité mais par égoïsme car, Paris sait très bien que c’est elle que les terroristes islamiques visent en agissant dans le Sahel. Son départ de cette région lui sera fatale. Quant aux Etats du G5 Sahel, certes leurs opinions nationales ont un ressentiment contre la France, c’est qui est légitime parce que la posture de Paris est illisible, cependant ils n’ont pas les moyens opérationnels dans la cadre multilatéral ou unilatéral pour lutter contre les bandes terroristes dans le bassin du lac Tchad ou dans le sahel. Paris reste incontournable. Moscou et Pékin ne sont pas des alliés fiables », conseille-t-il
Manuela Pokossy-Coulibaly
7info.ci