Pour eux, le temps s’est figé depuis le 10 juillet 2022 à l’aéroport de Bamako au Mali. Les soldats ivoiriens en mission pour le compte d’une force d’appui à la MINUSMA n’ont toujours pas recouvré la liberté. La CEDEAO semble impuissante face à la situation.
Une mission de quelques mois avant de regagner Abidjan. C’est ce à quoi s’attendaient les soldats ivoiriens, 49 au total, en débarquant le dimanche 10 juillet à Bamako. Pourtant, ce qui devait être un simple contrôle de routine au poste de police de l’aéroport s’est transformé en cauchemar.
Dès les premières heures, Bamako affirme de ne pas avoir été informé de l’arrivée du contingent sur son territoire avant de taxer les soldats ivoiriens de « mercenaires » envoyés pour déstabiliser le pays. Ce que démentent les autorités ivoiriennes.
Abidjan affirme que le déploiement des soldats s’est fait dans le cadre d’une mission d’appui, NSE à la MINUSMA. L’organisation, quant à elle, ne confirme pas la collaboration des soldats ivoiriens avec ce sous-traitant. Abidjan tente de durcir le ton en exigeant la libération de ses hommes. Que nenni !
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L’affaire s’enlise. À la demande de Bamako, le Togo est invité pour faire la médiation entre les deux pays. Mais la première rencontre à Lomé accouche d’une souris.
« Je pense que les autorités maliennes vont garder les soldats ivoiriens, les inculper et négocier au prix fort. La junte ne laissera pas passer cette occasion de s’affirmer aux yeux de ses voisins et surtout de la communauté internationale », analysait pour 7info, le Dr Kipré Paul, un politologue.
Les militaires ivoiriens inculpés et écroués
En visite d’État en Afrique du Sud, le président de la République Alassane Ouattara revient sur la situation des soldats détenus depuis plusieurs jours déjà.
« Je déplore l’arrestation des soldats ivoiriens au Mali. La Côte d’Ivoire ne peut pas du tout s’investir dans une tentative de déstabilisation d’un pays quelconque et surtout d’un pays voisin », a assuré le chef de l’État ivoirien le 22 juillet 2022.
Alors que l’on s’attend à une désescalade de la tension entre les deux pays, l’affaire prend une tournure inattendue. La junte au pouvoir au Mali a décidé d’inculper les soldats ivoiriens.
Le procureur de la République Samba Sissoko produit un communiqué qui qualifie les poursuites à l’encontre des soldats ivoiriens.
« Il a été procédé les 10, 11 et 12 août à leur inculpation […] et à leur placement sous mandat de dépôt pour des faits de « crimes d’association de malfaiteurs, d’attentat et complot contre le gouvernement, d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État, de détention, port et transport d’armes de guerre et de complicité de ces crimes », indique le document.
La visite du président en exercice de l’Union africaine, Macky Sall à Bamako, le 15 août, n’apporte rien de nouveau au dossier. Mais la voie de la médiation demeure privilégiée pour régler le problème.
Macky Sall réussit à faire libérer des soldats sénégalais bloqués depuis 4 mois dans le pays, mais pas d’Ivoiriens. L’attente devient longue jusqu’au 4 septembre 2022.
Libération de 3 militaires et implication de la CEDEAO
Alors que l’on pensait la médiation au point mort, une décision des autorités maliennes redonne de l’espoir aux Ivoiriens. Le dimanche 4 septembre, 3 femmes militaires, membres du contingent des 49, sont libérées.
Elles sont accueillies à l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny par le chef d’état-major général des armées, le général de corps d’armée Lassina Doumbia.
« Il s’agira pour nous de poursuivre les négociations et les discussions. Et pourquoi pas, tenter une approche plus globale, pour restaurer le climat de confiance entre la Côte d’Ivoire et le Mali. Je voudrais relever la disponibilité des deux parties à œuvrer pour un règlement apaisé », avait-il réagi.
Mais cette fumée blanche fait vite place à un regain des tensions quelques jours plus tard. La junte malienne fait connaître ses exigences pour la libération des 46 autres militaires ivoiriens.
Elle demande « l’extradition de personnalités maliennes vivant sur le sol ivoirien et sous le coup d’un mandat d’arrêt », en échange de la libération des 46 soldats encore détenus.
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Abidjan considère cette nouvelle demande comme un chantage et décide de s’en remettre à la CEDEAO. Le 16 septembre, Alassane Ouattara appelle à la tenue dans les meilleurs délais, d’une réunion extraordinaire de l’organisation afin de se pencher sérieusement sur l’affaire.
Avant la rencontre, plusieurs chefs d’État de la sous-région se rendent à Bamako le 30 septembre 2022. « Les échanges, entre les deux parties, sont francs » selon le mot du colonel Assimi Goita. Mais aucun communiqué de fin de visite. C’est donc le statuquo et les soldats ivoiriens peuvent continuer de contempler le plafond de leurs cellules.
Le lundi 10 octobre 2022 va consacrer les 90 jours de détention de ces 46 militaires. Ces derniers ne savent toujours pas quand ils pourront regagner leurs familles respectives à Abidjan.