Reculade de la CEDEAO, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et partant une victoire pour les militaires au pouvoir au Mali ? Après la décision de l’organisation sous-régionale de lever les sanctions contre la junte malienne, la question se pose.
Le Mali peut souffler. Les mesures coercitives qui lui étaient imposées par la CEDEAO depuis janvier 2022 sont levées. Le dimanche 3 juillet 2022, au cours d’un sommet tenu à huis clos à Accra, les dirigeants de l’Afrique de l’Ouest ont décidé de la réouverture des frontières terrestres et aériennes avec ce pays. La CEDEAO a également décidé de mettre fin au gel des avoirs de l’État malien à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest (BCEAO). Une mesure qui touche aussi les entreprises publiques et parapubliques du pays.
Ces sanctions avaient été imposées après que les militaires au pouvoir au Mali suite à un coup d’État contre feu le président Ibrahim Boubacar Kéita, aient annoncé leur désir de faire environ cinq ans de transition. La CEDEAO qui n’appréciait pas la décision des militaires avait alors décidé de durcir le ton contre la junte. Il avait opté pour la fermeture des frontières aériennes et terrestres ainsi que le blocage des avoirs de l’État malien. Des sanctions auxquelles Bamako avait aussi répondu par la réciprocité.
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Reculade de la CEDEAO ? Pour des observateurs, la décision de l’organisation sous-régionale se présente comme une victoire de la junte.
« On peut s’interroger sur la levée quasi-intégrale des sanctions de la CEDEAO qui se présente comme une reculade de l’organisation sous-régionale ou encore la victoire de la junte malienne. Il faut sûrement retenir que les dirigeants de la CEDEAO ont perçu le caractère difficile et peut-être disproportionné de la mesure et ont décidé de revenir à de meilleurs sentiments. S’ils décident de maintenir le fait que les dirigeants de la junte ne soient pas candidats à la future présidentielle, c’est quand même une victoire à minima. Toujours est-il que la junte s’en trouve renforcée puisqu’elle a réussi à montrer qu’elle avait une solidité au plan international, et une solidité économique et financière. C’est en tout cas une position renforcée pour ce qui concerne la junte militaire », analyse pour 7info Dr Eddie Guipié, un enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’université Péléforo Gon Coulibaly de Korhogo.
Courant janvier 2022 à la prise des sanctions de la CEDEAO, de nombreuses voix s’étaient levées contre les décisions sur la crise malienne. Certains observateurs prédisaient que ces décisions n’auraient pas le résultat souhaité. Aujourd’hui, la levée des mesures semble leur donner raison.
« Il est certain qu’avec cette nouvelle décision, la CEDEAO se retrouve un peu fragilisée par cette mesure, parce que plusieurs de ses dirigeants avaient parié sur un étouffement financier et économique du Mali à court voire à moyen terme. Le temps leur aura donné tort puisque le Mali s’est montré beaucoup plus solide que prévu, même si bien entendu il y a des difficultés économiques criardes. Mais le régime malien a tenu le coup. La CEDEAO s’en trouve affaiblie. Il lui sera difficile de pouvoir sanctionner d’autres régimes d’autant plus que sur le cas du Burkina Faso, il n’y a pas eu de sanctions fortes contre les dirigeants », fait savoir Dr Eddie Guipié.
Selon lui, ce « deux poids deux mesures » et cette levée de l’embargo fragilisent fortement l’organisation régionale.