Est-ce la fin de Barkhane au Mali ? Selon les informations, les autorités maliennes ont sollicité les services d’une entreprise militaire privée russe pour former ses hommes. La France s’inquiète et menace de retirer ses troupes.
L’affaire fait grand bruit dans les médias français depuis quelques heures. Des militaires russes sont annoncés au Mali. Ils auraient été contactés par les autorités du pays pour former les forces maliennes et assurer la sécurité des membres du gouvernement. Ces militaires, taxés de « mercenaires russes » par les autorités françaises, seraient connus pour être intervenus dans plusieurs pays, selon un cahier de charges bien définis.
Toute chose qui n’est pas du goût de la France qui engage depuis plus de 8 ans, la force Barkhane pour combattre le terrorisme dans le Sahel. Emmanuel Macron parle même « d’incompatibilité » entre militaires russes et français. Pourtant si l’accord venait à être signé entre les autorités maliennes et cette agence, 1000 militaires pourraient débarquer à Bamako.
De quelle agence privée de sécurité russe s’agit-il ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’entreprise « Wagner » qui aurait été contactée par les actuels dirigeants maliens, est une Société militaire privée (SMP). Bien introduite auprès de certains pays, « Wagner » exécute des contrats pour des États ou particuliers dans le monde. L’entreprise n’aurait pas été recommandée par les autorités russes dont les diplomates sur place à Bamako, nient avoir favorisé tout contact entre les deux parties.
Mais selon Kipré Paul, un expert des questions sécuritaires joint par 7info, les intérêts ne sont pas les mêmes.
« C’est le phénomène de la privatisation du militaire. C’est relativement ancien, mais c’est nouveau en Afrique. Au Mali et en Centrafrique, ce sont certes des Russes, mais ce n’est pas l’État russe. On a pensé, nous les spécialistes, que cette mode viendrait plus vite en Afrique, mais elle a été freinée par l’interventionnisme français. Dans la législation française, on parle de mercenariat, mais ailleurs, le terme a évolué. Le Brésil et le Venezuela ont des SMP (Société militaire privée) de rang mondial. Là, on parle d’intervention privée et non de mercenariat. Dans le concret, pour la plupart ce sont des personnes qui ont 15 à 20 ans dans l’armée russe ou française et autres. On prend ceux qui ont un parcours exceptionnel et on les envoie sur le terrain pour un objectif précis », analyse l’universitaire.
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Qu’est-ce qui inquiète tant les Français ?
La situation sécuritaire dans le Sahel préoccupe depuis plusieurs années la France. Le pays avait même, après le sommet de Pau en 2019, augmenté ses hommes à 5000 dans la zone pour venir à bout des terroristes. Mais l’insécurité demeure dans la région. Après le coup d’État perpétré par Assimi Goïta et ses camarades, Emmanuel Macron a menacé de retirer ses soldats du Mali. Les opérations militaires conjointes avec l’armée malienne avaient momentanément été suspendues en juin 2021, avant de reprendre quelques jours plus tard. Si l’arrivée de cette entreprise militaire russe était confirmée, l’influence de la métropole dans la région pourrait prendre un sérieux revers, d’autant qu’elle n’a pu y répondre aux défis sécuritaires.
D’ailleurs, les autorités maliennes ne s’en cachent pas. Elles sont en pleine discussion avec « Wagner ».
« Le Mali entend désormais diversifier et à moyen terme ses relations pour assurer la sécurité du pays. Nous n’avons rien signé avec Wagner, mais nous discutons avec tout le monde » a fait savoir à l’AFP, un dirigeant malien.
Mais pour l’heure, aucun accord n’est officiel.
Que pourrait-il se passer si les Russes débarquaient à Bamako ?
La France a déjà menacé de retirer totalement ses hommes de la région. Mais les intérêts n’étant pas les mêmes, Français et Russes pourraient trouver un compromis.
« Ils vont travailler ensemble au Mali. La stratégie russe est basée sur des intérêts privés. Ils sont plus engagés que les militaires eux-mêmes. Ils font ce que les Etats ne peuvent pas faire. Rappelez-vous pour restructurer l’armée malienne, des privés étaient prêts à le faire, mais il n’y avait personne pour financer cette formation. Voilà pourquoi les Maliens s’en sont remis aux Français. Mais ces derniers sont plombés par le trop grand interventionnisme. Et avec le sentiment anti-français qui est encore latent au Mali, les autorités maliennes ont voulu tenter une autre expérience », conclut le spécialiste.
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Selon plusieurs sources, une partie de la rémunération de l’entreprise privée contactée par les Maliens pourrait provenir du sous-sol. « Wagner » négocierait à cet effet avec les autorités de quoi soulever la question de la nature réelle de l’intérêt des Russes pour le Mali.