Qui était le dernier dirigeant de l’ex-Union des républiques socialistes soviétique (URSS), aussi le dernier dirigeant de la guerre froide, Mikhaïl Gorbatchev, mort mardi 30 août 2022.
Symbole de la fin de la guerre froide en Occident, ‘’détesté’’ en Russie, Mikhaïl Gorbatchev annonçait sa démission de la présidence de l’ex-URSS, le 25 décembre 1991.
Qui était l’homme ?
Tout commence dans les années 1980 où le système soviétique apparaît à bout de souffle. Toute une population urbaine aspire à consommer et regarde avec envie l’occident, ressentant de plus en plus le fossé qui se creuse entre son quotidien et les discours officiels. L’URSS vit au rythme du lent déclin de la santé de Léonid Brejnev, Iouri Andropov, puis Konstantin Tchernenko se succèdent rapidement au pouvoir.
Le prix Nobel de la paix en 1990 a connu la difficulté d’entrer dans l’histoire de son vivant, après avoir été, durant sept ans, le dernier secrétaire général de l’Union soviétique. Il a assisté ensuite en spectateur aux grands changements conduits en Russie par ses successeurs.
C’est là que se situe le malentendu qui a causé sa chute, fin 1991. Il avait alors été rattrapé par les contradictions d’un système qu’il croyait pouvoir pérenniser. Il ne s’était jamais tout à fait guéri de cet échec. Peu importe. Mikhaïl Gorbatchev reste celui qui, lorsqu’il a fallu choisir entre la répression ou la liberté, a opté pour cette dernière. Et cela seul suffit à faire de lui un des rares hommes dont un choix personnel a influencé le destin de toute l’humanité.
Un jeune dirigeant de vision
En 1985, le Comité central sait qu’il lui faut trouver un nouvel élan. Il décide de porter à sa tête un jeune dirigeant de 54 ans à peine, qui reçoit la lourde tâche de réinventer l’Union soviétique pour lui permettre de durer. Mikhaïl Gorbatchev accède alors au pouvoir suprême. Il devient le secrétaire général du Parti Communiste de l’URSS.
Les « Kremlinologues », ces spécialistes occidentaux du pouvoir soviétique, découvrent alors un peu ébahis ce nouveau dirigeant au visage mangé de grosses lunettes et dont le haut du crâne porte une tâche de vin de naissance. L’homme est souriant, direct, et cela amène la promesse d’un vent nouveau. Il soufflera bientôt en tempête.
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Glasnost et perestroïka
Le jeune secrétaire général se lance dans une colossale entreprise de reconstruction du système communiste (en russe, « Perestroïka »). Il encourage la création de « coopératives » qui sont l’embryon d’entreprises privées. Il fait revenir le dissident Andreï Sakharov de son exil intérieur. Il met fin à la guerre en Afghanistan.
Petit à petit, il libère la parole, laissant une nouvelle génération de journalistes fouiller tous les recoins de la société, parler des adolescents en prison, de la toxicomanie, des bizutages dans l’armée, toutes ces violences que la propagande officielle disait réservée uniquement aux pays occidentaux. La vérité se fait jour, surtout, sur les répressions terribles de la période stalinienne, sur laquelle le régime précédent avait voulu faire silence. C’est la « Glasnost », la transparence, un autre des mots qui marquent l’époque.
Durant ces sept ans passés à la tête du Kremlin, il a voulu croire qu’il était possible de transformer le système sans rompre avec lui. Acteur majeur de la perestroïka, il était pourtant vu en Russie comme le responsable du chaos qui a suivi la fin de l’Union soviétique.
Cette désintégration de l’URSS reste dans les mémoires, encore à ce jour. Elle est parfois un traumatisme chez certains Russes.
« On lui reproche la perte du statut de la Russie sur la scène internationale, sa puissance dans les années 1990 et tous les espaces post-soviétiques qui ont quitté l’union à partir de 1991 », relate l’analyste américaine Carole Gruimaud-Potter, qui fait aussi allusion au prix Nobel de la paix reçu par ‘’Gorby’’ en 1990.
« En Occident, Gorbatchev était le symbole de la fin de la guerre froide et de l’URSS. Mais ce que les Russes regrettent, c’est la stabilité, la puissance, le rayonnement international et la sécurité économique qui n’a pas perduré », ajoute Carole Gruimaud-Potter.
Pour les Occidentaux, il restera l’homme qui a permis la détente, le vrai responsable de la chute du mur de Berlin. Sa contribution à la fin de la guerre froide avait d’ailleurs été saluée d’un prix Nobel de la paix, en 1990.
Tandis que Vladimir Poutine s’installait de plus en plus au pouvoir en Russie, il s’était permis en 2011 de l’appeler à quitter le pouvoir. Et dans son dernier livre, en 2019, « Le futur du monde global », il s’inquiétait de la situation internationale devenue plus dangereuse, avec l’abandon des grands textes organisant le désarmement, ceux qu’il avait négociés.
Le jugement des Russes est sans appel : près de la moitié d’entre eux éprouvent de l’indifférence envers Gorbatchev, 20 % éprouvent du ‘’mépris’’ et seulement 10 % du ‘’respect’’ pour l’ancien dirigeant, selon Le Monde.
Tristan Sahi