Ce dirigeant aux nombreux diplômes qui avait sombré dans un despotisme aveugle à la fin de son règne marquera à jamais les esprits.
Vingt-neuf ans ont passé depuis la victoire de l’Union nationale africaine du Zimbabwé (57 sur les 80 sièges réservés aux Noirs) qui a ouvert le 18 avril 1980 les portes de la primature de l’ancienne Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwé) à Robert Mugabé. Il a vécu seulement deux ans après sa mise hors-jeu en 2017 de la scène politique suite à un coup d’Etat orchestré par le Général Sibusiso Moyo. Le moment d’un premier bilan est arrivé à la fois sur l’homme, sa longue carrière politique et ses erreurs.
Il se faisait appeler Comrade Bob par ses compagnons de lutte, un héros africain qui a fait rêver tout un continent après sa victoire sur le gouvernement raciste de Ian Smith. Une victoire qui avait donné beaucoup d’espoir aux Noirs d’Afrique du Sud en proie au régime de l’apartheid.
Robert Mugabé, ce président de la République bardé de diplômes pouvait éviter cette fin politique un peu déshonorante, lui qui dès sa prise de pouvoir avait entrepris une politique de réconciliation nationale.
«Vous étiez mes ennemis hier, vous êtes maintenant mes amis», aimait-il dire à ses anciens ennemis. Il a offert plusieurs postes ministériels aux blancs. Sa politique sociale qui se caractérisait par la construction d’écoles, de centres de santé et de nouveaux logements pour la majorité noire a permis au pays de connaître un progrès considérable.
Malheureusement, ce « bon » président sombrera dans l’autocratie. En 1982, il envoie la 5ème brigade, une unité d’élite formée par la redoutable armée du dirigeant nord-coréen Kim Il-Sung, réprimer la province du Matabeleland (sud-ouest) favorable à Joshua Nkomo, un opposant. Le bilan de cette expédition punitive est de plus de 15.000 morts. Dès cet instant, le vieux révolutionnaire va diriger son pays d’une main de fer.
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Il entreprendra quelques années plus tard une politique agraire qui va s’avérer désastreuse pour l’économie. Le taux de chômage atteint 80%. Ce pays jadis considéré comme le grenier à maïs de l’Afrique australe fera face à de graves crises alimentaires.
De plus en plus critiqué, le vieux «Bob» va sombrer dans la dictature et l’isolement. En dépit de son âge avancé (93 ans), il s’accroche au pouvoir et refuse de passer le flambeau à la nouvelle génération. Des rumeurs faisaient état de ce qu’il voulait céder le fauteuil présidentiel à son épouse Grace Mugabé. C’est dans ce contexte qu’en novembre 2017, il se fait renverser par l’armée. Le général Sibusiso Moyo dira à ce sujet dès le début du coup d’Etat, «Des personnes corrompues ont été arrêtées et un vieil homme qui a été abusé par sa femme est détenu»
Mugabé aurait pu éviter son retrait humiliant de la scène politique de son pays s’il avait su partir au bon moment comme le dit Samuel Konan, sociologue ivoirien. «Il aurait dû partir au bon moment. Cela lui aurait évité d’être humilié ». Comme lui, ils sont nombreux à reconnaître qu’au début de son règne, le vieux révolutionnaire était un bon président, victime des années plus tard de l’usure du pouvoir. «Il fut un formidable dirigeant dont le pouvoir a dégénéré au point de mettre le Zimbabwé à genoux » soutient Shadrack Gutto, enseignant sud-africain interrogé par un confrère.
Ironie de l’histoire, c’est le tombeur de Mugabé, Emmerson Mnangagwa, qui le premier, a annoncé le décès de cette icône de la politique africaine sur son compte tweeter : «C’est avec la plus grande tristesse que j’annonce le décès du père fondateur du Zimbabwé et de l’ancien président, le commandant Robert Mugabé.»
L’échec de la politique agraire de « Bob », à l’origine de l’effondrement de l’économie de son pays ne doit pas occulter le mérite de ses actions à l’égard des mouvements de lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud et de l’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (Swapo) de la Namibie.
Arnaud Houssou
7info.ci