Une durée maximum de trois ans, c’est la proposition du général Tiani, le chef de la junte au pouvoir au Niger pour la période de transition. Mais ces propos ne rencontrent pas l’assentiment de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). L’organisation sous-régionale, il faut le rappeler n’exclut pas une intervention militaire pour réinstaller le président Mohamed Bazoum.
Un pas de plus vers l’enlisement de la crise au Niger ? La sortie du chef de la junte qui a pris le pouvoir dans ce pays et la réaction de la CEDEAO le laissent croire. Le samedi 19 août 2023, alors qu’une mission diplomatique de l’organisation sous-régionale était en déplacement à Niamey pour le rencontrer en vue de trouver une solution à la crise dans son pays, le général Tiani, le patron du CNSP annonçait une transition dont il est le président. Dans son adresse, le nouvel homme fort de Niamey invitait ses populations à des consultations nationales de définir la feuille de route de la transition qui n’excéderait pas trois ans.
Une annonce que la CEDEAO ne digère pas. Déjà remontée contre la prise de pouvoir par les armes tel que cela s’est passé au Niger le 26 juillet 2023, l’organisation sous-régionale n’a pas tardé à réagir.
« Une période de trois ans de transition est inacceptable », a déclaré Abdel-Fatau Musah, le commissaire chargé de la sécurité et de la politique au sein de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest, dans une interview à la chaîne Al Jazeera.
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« Nous voulons que l’ordre constitutionnel soit restauré le plus rapidement possible », a insisté Abdel-Fatau Musah.
Ces différentes sorties, compromettent-elles davantage la sortie de crise au Niger ?
« Je pense qu’il y a beaucoup d’effets d’annonce de part et d’autre. Tout sera déterminé par le rapport des forces sur le terrain. Dans le cas de la CEDEAO par exemple, quand on donne un ultimatum, cela veut dire qu’on est prêt à agir quand l’ultimatum passe. Mais là, on voit qu’ils se sont précipités. Au niveau des armées qui annoncent une intervention, il faut se demander par où, ces forces vont passer pour accéder au Niger. Par le Bénin ou par le Nigeria. Pas si sûr, car ces pays ont en partage des peuples notamment les Haoussa, avec le Niger. Au Nigeria, surtout dans le nord du pays, des responsables communautaires s’insurgent déjà contre cette intervention militaire à cause des liens de famille et de sang avec les populations du Niger », commente Théodore Sinzé, un journaliste ivoirien, joint par 7info.
Selon le confrère, l’’acceptation du coup d’Etat est probable.
« Ce qui pourrait se faire, c’est de négocier le temps de la transition. Les militaires au Niger n’ont pas fixé le temps de transition. Ils ont dit que leur durée au pouvoir ne doit pas excéder trois ans. C’est une marge qui peut et devrait être négociée. On pourrait leur demander de revoir au rabais, et sûrement, la position des militaires pourrait être revue. Mais à mon avis, dire que le président Bazoum va revenir au pouvoir n’est plus certain. D’ailleurs, c’est l’armée qui a pris le pouvoir. S’il revenait dans ces conditions annoncées par la CEDEAO, il dirigera quelle armée ? », s’interroge-t-il.
Cet avis n’est pas partagé par tous.
« Il n’y a pas d’autres issues possibles. Soit les militaires au Niger reviennent à la raison, soit la CEDEAO se donne tous les moyens possibles y compris l’intervention militaire pour rétablir l’ordre constitutionnel », commente pour sa part, André Silver Konan, un journaliste ivoirien également.
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Depuis le 26 juillet 2023, le Niger est dirigé par l’armée qui a renversé le président Mohamed Bazoum. Mais cette intrusion des militaires dans la gestion du pouvoir d’Etat est dépréciée à travers le monde. La CEDEAO en premier. Quoique privilégiant la voie de la discussion, l’organisation sous-régionale n’exclue pas d’intervenir militairement pour rétablir l’ordre constitutionnel autour de Bazoum. Un projet dont la réalisation est peu appréciée par certains pays, pour qui, cela pourrait aboutir à un embrasement de la sous-région.
« Je ne sais pas de quel embrasement de la sous-région parlent certaines personnes. Ce n’est pas une guerre qui est livrée contre le Niger. Ce n’est pas non plus une guerre livrée contre l’armée nigérienne. C’est un combat contre des putschistes qui sont une bonne dizaine et qui constitue le CNSP. C’est une intervention visant des individus et qui va se faire comme cela s’est fait auparavant pendant les autres opérations militaires de la CEDEAO qui ont réussi comme en Gambie où il n’y a pas eu un seul coup de feu tiré. Il n’y a donc pas de risque d’embrasement. Pas du tout », commente André Silver Konan, joint par 7info.
Le vendredi 18 août 2023 à l’issue de leur réunion à Accra au Ghana, les chefs d’état-major des armées de la CEDEAO, ont annoncé qu’une date de l’intervention militaire au Niger est déjà fixée.
Richard Yasseu