L’usage des réseaux sociaux apparaît comme un des principaux usages de l’Internet. Leur succès massif soulève de nombreuses interrogations d’ordre sécuritaire et juridique Les déviations dans l’usage sont abusives. Les autorités tunisiennes et françaises, tout en reconnaissant leur importance pour la liberté d’expression, ont décidé de mettre fin à la divulgation des fausses informations sur les réseaux sociaux. Ici en Côte d’Ivoire, avant que les autorités ne suivent l’exemple tunisien et français, l’écrivain-juriste, Dr Geoffroy-Julien Kouao explique à 7info.ci, le cadre juridique pour l’usage de ces outils.
Les autorités tunisiennes, à travers la HAICA, (la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle), ont annoncé leur intention de mettre fin à la prolifération de fausses informations sur les réseaux sociaux. Après avoir reconnu l’importance des réseaux sociaux pour libérer l’expression des peuples, la HAICA a rappelé que des problèmes tels que la désinformation et l’insécurité des données personnelles pouvaient engendrer des situations très délicates.
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Les réseaux sociaux n’ont peut-être jamais été autant d’actualité. Le rôle joué par les réseaux sociaux dans les révoltes du Printemps arabe, en Tunisie et en Egypte est indéniable. Ils sont au cœur des débats, avec la divulgation des rumeurs, de fausses nouvelles et de messages de haine et d’incitation à l’extrémisme. En France et en Tunisie, les pouvoirs publics n’entendent pas laisser prospérer la chienlit des réseaux sociaux. Des propositions de loi pour traquer ceux qui dans le secret de leur chambre, incitent à la haine et à la violence, sont sur la table des députés.
En France aussi, l’Assemblée nationale a adopté, le mercredi 4 juillet dernier, les propositions de loi controversées relatives à la « manipulation de l’information », surnommées « loi anti-fake news ». Ces propositions de loi portées par un député de la République en marche, LREM, proche du président français, Emmanuel Macron, sont destinés à empêcher la diffusion artificielle de fausses nouvelles. Cette nouvelle loi est censée s’appliquer dans une période de trois mois avant les élections à caractère national. « L’objet n’est pas de sanctionner l’auteur mais d’endiguer la propagation » en période électorale, a déclaré mardi la ministre de la Culture, Françoise Nyssen. « Ce texte ne crée aucune interdiction nouvelle » mais il vise à « mieux faire respecter les règles existantes en les adaptant aux nouvelles réalités caractérisées par le poids croissant des réseaux sociaux, la viralité de l’information et le développement du sponsoring », a ajouté la ministre.
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Facebook a même invité les gouvernements à faire davantage en matière de régulation des géants du numérique, dont les pratiques sont souvent mises en cause sur la protection des données ou la diffusion de fausses informations. Cette interpellation du groupe de Marc Zuckenberg est la preuve que toutes les entités concernées ont prises au sérieux l’impact nocif de ces outils numériques.
En Côte d’Ivoire, selon Dr Geoffroy-Julien Kouao, l’utilisation des réseaux sociaux par les particuliers, relève du droit commun. « Les fausses informations, les diffamations, l’incitation à la haine et autres infractions sont évidemment prohibés par notre législation pénale », fait-il savoir. Pour ce juriste les réseaux sociaux sont des outils de communication. En tant que supports de communication, les réseaux sociaux doit être régis par les mêmes règles que les médias traditionnels.
« Maintenant, est-ce qu’il faut prendre des textes spécifiques à l’usage des réseaux sociaux ? », s’interroge-t-il. « Pourquoi pas ?» répond-il. Car, pour lui, l’importance de ces instruments en termes d’outils de communication ou outils de travail pour les uns et les autres, n’est plus à démontrer, mais, il faut une action préventive.
« Les autorités doivent mener une action préventive pour éviter d’éventuels débordements dans l’usage de ces outils. Vu l’importance des réseaux sociaux aujourd’hui, dans le quotidien des populations, il faut peut-être trouver une législation particulière qui prend en compte les spécificités de ces outils», recommande Dr Geoffroy-Julien Kouao.
« Mais, avant d’intervenir, l’Etat devrait engager la sensibilisation. Il faut un cadre juridique spécifique pour éviter les débordements », recommande notre spécialiste.
Dr Geoffroy-Julien Kouao estime qu’il faut faire très attention aujourd’hui, surtout à l’approche des élections de 2020. Il ajoute qu’on peut prendre des mesures allant dans le sens de l’encadrement juridique de l’usage rationnel des réseaux sociaux. Toutefois, Dr Geoffroy-Julien Kouao ne perd pas de vue les tentations à la limitation de la liberté d’expression. « Il ne faut pas aller jusqu’à interdire aux gens d’exprimer leur opinion et leur mécontentement vis-à-vis des pouvoirs publics. Il faut trouver le juste milieu. Si l’Etat doit intervenir, il doit prendre attache avec tous les corps sociaux professionnels pour voir comment prendre une mesure qui ne porte pas atteinte à la liberté individuelle et à la liberté d’expression », suggère-t-il.
En Côte d’Ivoire, le code pénal (article 173) réprime la publication, la diffusion, la divulgation ou la reproduction par quelque moyen que ce soit, de fausses nouvelles, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers. Cette infraction est punie d’un à trois ans de prison et d’une amende de 500 000 à 5 000 000 de francs Cfa. L’article 97 de la loi portant régime juridique la presse de décembre 2017 (désormais étendue à la presse en ligne) précise que la publication de « fausses nouvelles » est punie d’une amende de 1 000 000 à 5 000 000 de francs Cfa, la peine d’emprisonnement étant supprimée pour les délits de presse.
Le 8 juin 2018, le Président de la République, Alassane Ouattara exprimait son intention de faire adopter comme en France, un texte régissant l’usage sain des réseaux sociaux et ainsi lutter contre les fausses informations ventilées à partir de ces supports. « Au-delà du cadre légal qui existe, il nous faut aller plus loin pour élaborer une véritable loi sur les fake news pour protéger davantage nos concitoyens et notre pays. La presse doit être stimulatrice et non pas injurieuse », avait-il recommandé. Sidi Touré avait à l’occasion été interpellé « sur le nécessaire encadrement des médias en ligne. »
DIANE Drissa