Diarrassouba Souleymane, Ministre du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME, ministre des Mines et de l’Industrie par intérim n’entend pas laisser prospérer la chienlit dans son ministère. Auréolé de la confiance du Chef de l’Etat, le ministre ne veut pas d’un scandale à l’image de celui du Guichet unique automobile. Il a donc décidé de prendre la pleine mesure de la menace de troubles à l’ordre public que pourrait engendrer la présence d’orpailleurs clandestins chinois sur un site destiné à l’exploitation artisanale et semi-industriel. PôleAfrique.info est sur les traces de l’or et du réseau protecteur des chinois.
PôleAfrique.info a assisté le lundi 21 mai dernier à une forte descente de villageois de Oualéguéraha et Karpélé, dans la sous-préfecture de Boniérédougou contre des chinois de l’entreprise 2SMF. La population furieuse, se sentant flouée par la direction départementale des Mines, qui devait faire respecter les textes du code minier, ont choisi de régler l’affaire à leur manière. Ce lundi donc, une soixantaine d’individus, à motos et vélos, débarquent sur le site après un ultimatum qui expirait ce lundi à 12h GMT.
« Nous avons été alertés par les populations de la présence de clandestins chinois dont l’installation s’est faite à leur insu. Nous sommes venus faire le constat, les dégâts sont colossaux, c’est vraiment déplorable et l’heure est grave » témoigne Vital Touré, secrétaire général du syndicat national du minier artisanal et semi-industriel de Côte d’Ivoire. Pour lui, « il y a des complicités internes au niveau de l’administration » fait-il savoir.
Face à la mise à exécution de la menace, les chinois prennent la fuite et informent leurs parrains tapis dans les entrailles du ministère des Mines. Dans leur camp, deux pelleteuses sont là. Un moteur qui fonctionne au gazoil permet aux chinois d’avoir l’électricité. Une machine-tapis qui sert à laver le sable enlevé est à l’arrêt, assorti de gros tuyaux.
Informé, le sous-préfet de Boniérédougou, Atto Séka, parvient à calmer les ardeurs belliqueuses des manifestants. Le plaidoyer du « commandant » suivi d’une invitation à se rendre mardi 22 mai en ses bureaux pour solder ce conflit naissant, est accepté. Rendez-vous à la sous-préfecture où la médiation accouche d’une souris. Pour la communauté villageoise, le sous-préfet est « partie au conflit. » « Lui et le Directeur départemental soutiennent les chinois » fulminent des jeunes des deux villages. Atto Séka accepte d’éclairer la lanterne de PôleAfrique.info et explique avoir eu écho de la menace de descente villageoise sur les chinois. Mais, l’arrivée d’une délégation officielle va le contraindre à écourter l’échange. On retient du bref entretien que « les villageois avaient paraphé un protocole d’accord avec la société chinoise telle que soumis par le Directeur départemental. Or, les villageois réfutent cet accord et estiment avoir été floués car le site litigieux ne peut, selon eux faire l’objet de transaction. Ils disent l’avoir comme réserve propre. Or, une autre structure était passée ici pour faire signer un protocole. J’ai refusé de signer dans l’attente de l’accord préalable du directeur départemental qui fait en la matière office de conseiller technique » explique le sous-préfet. Pour les villageois, en leur disant que « vous risquez de vous créer des problèmes », c’est une menace non feinte. Aussi, ressortent-ils de la salle de réunion plus que déterminés.
Ce que le sous-préfet ne savait pas, c’est que le vendredi 19 mai, les deux villages avaient mandaté certains de leurs fils auprès de la direction départementale des mines à Katiola. Au village de Oualéguéraha, une source fait savoir qu’une « mission a conclu à la présence des chinois, ce site n’est certes pas immatriculé mais les chinois ne devraient pas y être. Aussi, la mission a-t-elle conclu en la suspension des travaux des chinois » révèle notre source. A la direction départementale, PôleAfrique.info n’a pu rencontrer le directeur départemental, Omer Kassy. Il a été entre temps, convoqué dès l’éclatement de ce scandale de corruption dans le secteur minier, à Abidjan.
Une source à Katiola fait savoir qu’il « n’est pas évident qu’il revienne » au regard de la gravité des faits.
Le Directeur départemental, serein mais perturbé
Omer Kassy est accusé par les villages de Karpélé et Oualéguéraha d’avoir installé des chinois sur leurs terres cultivables. La question essentielle est de savoir comment ces chinois, en exploitation illégale selon un document administratif consulté par PôleAfrique.info, ont pu se retrouver dans cette brousse, loin des regards ? Les coups de fil permanents du directeur départemental à ses contacts terrain démontrent sa fébrilité derrière le masque de la sérénité.
Dans la norme, « L’autorisation d’exploitation minière semi-industrielle est accordée par arrêté du Ministre chargé des Mines, sous réserve des droits antérieurs, et après consultation des autorités administratives compétentes et communes urbaines ou communautés rurales concernées, aux personnes physiques de nationalité ivoirienne, sociétés coopératives à participation ivoirienne majoritaire, petites et moyennes entreprises de droit ivoirien dont le capital est à majorité ivoirien. »
Comment le directeur départemental peut-il expliquer la présence de ces chinois? Pour se faire une réelle idée, le cabinet du ministre Souleymane Diarrassouba demande au Directeur régional par intérim de la région de Gbèkè, de se rendre en personne sur le théâtre des opérations. Il part de Bouaké avec deux gendarmes le mardi 22 mai.
Il est fait cas de ce que, sûr de ses soutiens dans la mafia tapis dans les arcanes de ce ministère, le directeur départemental qui n’a quitté Katiola que le mercredi 23 mai, n’a pas daigné accompagner son directeur régional. Celui-ci ira seul constater le désastre créé par la faiblesse morale et la cupidité des responsables administratifs. A croire que nul ne connaît les dispositions du code minier.
Un code clair comme l’or
PôleAfrique.info a pu consulter le code minier ivoirien de par la loi N° 2014-138 du 24 mars 2014 portant code minier qui précise en son Titre IV « Autorisations d’exploitation minière semi-industrielle et artisanale », chapitre I : « Autorisation d’exploitation minière semi-industrielle », en son article 53 que : « L’autorisation d’exploitation minière semi-industrielle est accordée par arrêté du Ministre chargé des Mines, sous réserve des droits antérieurs, et après consultation des autorités administratives compétentes et communes urbaines ou communautés rurales concernées, aux personnes physiques de nationalité ivoirienne, sociétés coopératives à participation ivoirienne majoritaire, petites et moyennes entreprises de droit ivoirien dont le capital est à majorité ivoirien. »
Ainsi, suivant les dispositions de la loi, il ne devrait pas avoir de non nationaux dans la sous-préfecture de Boniérédougou suivant les dispositions du code minier. A tout le moins, ces non nationaux devraient être dans une structure coopérative ivoirienne. En rentrant dans la brousse, sur les traces des clandestins chinois dont deux sont sur place en compagnie de Jean Marc Akré, un jeune ivoirien, et des jeunes ouvriers, garçons et filles, un des chinois, jardine. Tong, qui sort de la maison en planches, ne parle ni français, ni anglais. Henri le traducteur togolais, est à Katiola pour des emplettes. Plus tard, aperçu dans une station à Katiola, les chinois font le plein des bacs à carburant. C’est dire que leurs parrains leur ont assuré qu’ils n’ont rien à craindre.
D’ailleurs, PôleAfrique.info apprend que dès l’éclatement de ce scandale de corruption qui a conduit les clandestins chinois à s’installer au noir, comme par enchantement, les droits fixes pour 2SMF, la société des chinois, ont été payés entre le lundi 21 mai et ce 28 mai. Par qui ? Nul ne sait. « En fait, les coopératives existent mais on retrouve des chinois, ça veut tout dire » soutient une source au ministère des Mines et de l’Industrie. Les coopératives sont en fait fictives dans les faits. Sacrés fonctionnaires ivoiriens !
« La course à l’enrichissement de nos jeunes frères fonctionnaires va nous tuer. Le phénomène a atteint des proportions inquiétantes et dans cette affaire, de hauts responsables de l’administration sont impliqués » fait savoir une source sécuritaire à Bouaké.
Dans la foulée, le ministre Souleymane Diarrassouba a tenu à faire la lumière sur ces pépites. Une autre mission, cette fois-ci, partie de la direction générale des mines, a pu se faire une idée de l’impact des pots-de-vin. La mission a aussi entendu les villageois qui ont maintenu leurs positions de ne plus voir les chinois sur leurs terres.
PôleAfrique.info sur place, à côté de trous de 100 mètres carré pour 10 m de profondeur, a rencontré un jeune agriculteur qui fait du maraîcher. Une partie de son champ de gombo est détruite « sans dédommagement » soutient-il. Des champs d’aubergine sont ensevelis sous le sable rouge, les trous creusés et exploités à la sauvette, sont là, béants. Un danger pour la population.
Selon des sources de PôleAfrique.info, la plus grande de ces entreprises, HENGDA fait partie de ces entreprises chinoises qui s’implantent dans le Centre-nord. Des quatre entreprises chinoises, une seule, 2SMF disposerait de « documents administratifs dans les normes. » Mais, derrière cette entreprise, plane l’ombre tutélaire de deux directeurs centraux du ministère des Mines.
PôleAfrique.info a retrouvé les traces d’un proche du directeur départemental des Mines à Katiola, Simon Ouattara Waopké. Joint par PôleAfrique.info, il assure que « la situation est sous contrôle. » Selon ses explications, « la population s’est laissée montée par une autre personne. Pour s’installer, il faut payer les droits fixes à l’Etat et rencontrer la population propriétaire des terres pour faire un protocole d’accord devant le sous-préfet. Or, nos parents ont porté plainte et cela est remonté jusqu’à Abidjan. Mon patron même est à Abidjan pour cette affaire. C’est archi-faux, les chinois ne sont pas rentrés sur la parcelle de quelqu’un, ils disposent d’une autorisation d’exploitation semi-industrielle » soutient Simon Ouattara. Le collaborateur de Kassy Laurent révèle que « on n’a pas de souci. Les parents ont reconnu leur tort. Nous étions avec eux hier jusqu’à 20h-21h. Les parents ont fait du faux ! Et c’est ce que le sous-préfet leur a dit » soutient Simon Ouattara.
Touré Yacouba, chef de village de Oualéguéraha et sa population, en appui à Fofana Guabéhonri, chef du village de Karpélé sont formels : « nous ne voulons pas voir de chinois sur nos terres. Ils ont détruit nos espaces cultivables. On souhaite que les chinois ferment les trous qu’ils ont eux-mêmes creusé car on a des champs et demandons au gouvernement de nous aider à faire partir les chinois » a indiqué Touré Fin, porte-parole de la chefferie de Oualéguéraha, à 9.5 km de l’axe Katiola-Dabakala.
« Nous demandons leur départ, purement et simplement » soutient Fofana Guabéhonri. A sa suite Laurent Ouattara, le président des jeunes de Karpélé soutient qu’il y a des « risques de mort à cause des trous de 12 à 15 mn. »
A Abidjan, les soutiens des chinois s’activent pour brouiller les pistes face à un ministre déterminé à déminer le terrain de la corruption dans son ministère. Les populations des villages de Oualéguéraha et Karpélé attendent de voir des têtes tombées.
Adam’s Régis SOUAGA, Envoyé Spécial
Source : rédaction PôleAfrique.info