19 villages du département de Ouangolodougou dans la région du Tchologo au nord de la Côte d’Ivoire sont en cours d’être définitivement rasés. Selon des sources officielles, il s’agit d’une opération de déguerpissement d’une aire protégée illégalement occupée. D’autres sources évoquent des raisons économiques de grandes envergures. Voici la vérité sur cette opération en cours dans cette partie de la Côte d’Ivoire.
N’golowolovogo, Ziégninvogo, Kolo N’golovogo, Fodononvogo, Kounwouléni, Koulanavogo, Yacoumavogo, Yayavogo, N’Gounougovogo, Lassitialli, Lassina Bambavogo, Sidivogo, Tiériguégninminvogo, Zanatinvogo, Moussadjanvogo, Zambévogo, Drissa Borgovogo, Gnélé N’golovogo et Tierwavogo ne devraient plus figurer sur la carte ivoirienne. Depuis la fin de semaine dernière, ces campements sont en cours de destruction. Certains ont déjà reçu la visite des agents des forces de l’ordre commis pour faire appliquer un ordre de déguerpissement émis par l’Etat de Côte d’Ivoire.
Dans un courrier en date du 10 septembre 1997 dont Poleafrique.info a pu se procurer copie, une dizaine de chefs de campement revendiquent la propriété de ce site. En réponse à une injonction de déguerpir à eux faite courant 1997, les chefs de ces campements (Kongodjan 1, Kongodjan 2, Touplévogo, Dalavogo, Klotivogo, Fangassivogo, Tiémokovogo, Wawavogo, Fangagnoumanivogo, Lyavogo), signataires de ce courrier font remarquer que l’existence de leurs localités dans cette partie de la Côte d’Ivoire, est antérieure à la date du classement de cette forêt.
A ce jour, ce sont plusieurs infrastructures sociaux économiques couramment financées par l’Etat qui y ont été construites. Ce sont entre autres le défrichement de plusieurs hectares de terre fait par la CIDT et l’ex-MOTORAGRI sur 637 Ha, l’érection de cinq barrages par l’ex-projet FRAR, construction d’écoles publiques avec logements pour enseignants, de 12 pompes hydrauliques, 9 magasins de GVC. « En effet dans notre quête du « Progrès pour Tous et du bonheur pour chacun« , nous avions souvent sollicité l’aide du gouvernement pour effectuer des défrichements, ou construire des barrages pour l’agriculture ou l’élevage, des écoles pour nos enfants, des magasins de stockage de l’engrais et des pompes hydrauliques publiques pour notre propre consommation d’eau » ont écrit les fils d’un des villages concernés.
De ce déguerpissement, des rumeurs vont bon train. Selon certaines sources, l’actualisation de cette opération répond à un enjeu économique important au-delà de la volonté de restaurer le couvert forestier national mis en avant. Le sous-sol de ce site serait riche en pétrole, dont l’exploitation nécessite le départ de toute vie humaine. Un argument que rejette la structure de l’Etat ivoirien en charge des mines et géologie.
« Ce n’est pas possible. La zone concernée par les déguerpissements en cours ne peut pas abriter cette matière. L’une des conditions nécessaires pour qu’il y ait du pétrole dans une zone est qu’il y ait existé un grand cours d’eau à proximité. Ce qui n’est pas le cas ici. Ce qui veut dire que la nature du sol n’y prête pas. Donc en un mot, les conditions ne sont pas réunies dans cette zone », fait savoir en substance à Poleafrique.info Yoboué Franck Mickaël, chargé d’études à la direction générale des Mines et géologie. Toutefois, le spécialiste reconnait que ce site est aujourd’hui peuplé d’orpailleurs clandestins ainsi que des exploitants illégaux d’autres matières notamment le bois. Non sans soutenir que c’est dans le cadre de la lutte contre les activités clandestines et surtout pour restaurer le couvert forestier que la SODEFOR entreprend cette opération de déguerpissement.
Des populations livrées à elles-mêmes
Depuis la fin de la semaine du 8 au 14 avril, la destruction de ces villages fait le buzz sur les réseaux sociaux. Avec elles, le déplacement des populations de ce département vers d’autres localités. L’opération de déguerpissement serait conduite dans la brutalité. Contraignant les habitants qui se comptent par centaines, voire par milliers à abandonner tous leurs biens ( plantations, maisons, activités économiques). Et à migrer vers les départements voisins de Diawala, Niéllé et Ferkessédougou. Sans visibilité sur leur sort, puisque n’ayant aucun point de recasement. Y compris pour les élèves dont nombreux devront bientôt composer pour les examens scolaires de fin d’année. D’autres sources évoquent même l’état de famine dans lequel se trouveraient ces populations privées de leurs sources de nourriture.
Richard Yasseu
Source : rédaction Polefarique.info