On l’a dit chaque fois en perte de vitesse mais Patrick Achi, tel un Phénix, a toujours su refaire surface au point de se rendre incontournable dans le dispositif du chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara.
Mardi 07 janvier 2024, soit quinze mois après son limogeage-surprise du poste de Premier ministre, Patrick Achi a été de nouveau adoubé par Alassane Ouattara. Le président ivoirien l’a nommé ministre d’Etat, Conseiller spécial à la présidence de la République.
Et pourtant, la sortie peu glorieuse de Patrick Achi du gouvernement, le 17 octobre 2023, ne laissait pas présager un tel retour en grâce.
Surtout que cela se fait à dix mois de la prochaine élection présidentielle pour laquelle le candidat du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, pouvoir) n’est pas encore connu.
Et difficile de croire que Alassane Ouattara, en politique averti et couturé par tant de batailles, n’a pas pensé au scrutin à venir au moment de rappeler Patrick Achi à ses côtés.
Même si le chef de l’Etat n’a pas encore annoncé s’il serait lui-même encore candidat ou céderait la place à l’un de ses poulains, l’objectif ne devrait pas changer : maintenir le RHDP au pouvoir.
Et Patrick Achi, fort de ses de deux décennies de carrière politique, dans les sphères décisionnelles de l’exécutif, pourrait jouer un rôle important pour la réalisation de cet objectif.
Ses compétences, unanimement reconnues, font de lui l’une des rares personnalités en Côte d’Ivoire à totaliser, depuis 2000, 23 ans de présence sans discontinuité dans les différents gouvernements successifs.
Les Ivoiriens qui ne manquent pas d’imagination et surtout d’humour quand il s’agit de tourner en dérision certains de leurs dirigeants, lui ont attribué les sobriquets de “ Highlander’’ ou “ le cyborg’’ (des personnages inspirés de films de science-fiction) pour moquer cette longévité.
Rien ne prédestinait pourtant “le blanc de la Mé’’, né le 17 novembre 1955 à Paris, d’un père ivoirien et d’une mère bretonne, à être un acteur majeur mais discret de la vie politique, au cours de ces deux dernières décennies.
Quand il posait fièrement comme ministre chargé des Infrastructures économiques pour la photo de famille avec l’ensemble de ses collègues du gouvernement, à l’issue de son premier conseil des ministres, en octobre 2000, il ne savait sans doute pas que l’exercice serait régulier.
De cet ingénieur en management, marié et père de cinq enfants, le grand public ne savait pas grand-chose avant son entrée au gouvernement.
Mais depuis, les Ivoiriens se sont accoutumés à son visage et à sa voix fluette qu’ils voient et entendent régulièrement depuis 23 ans maintenant.
Tantôt comme ministre, tantôt comme secrétaire général de la présidence ou encore en tant que Premier ministre.
Au gouvernement, il a vu défiler plusieurs Premiers ministres, notamment Pascal Affi N’guessan, Seydou Diarra, Charles Konan Banny, Guillaume Soro, Jeannot Ahoussou, Kablan Duncan.
Il a travaillé avec une égale efficacité sous leur autorité.
Pour se donner une légitimité populaire, il décide de briguer des mandats électifs en allant à la conquête de la Mé, sa région d’origine, en pays akyé.
Une zone naguère considérée comme un bastion imprenable du Front populaire ivoirien (FPI), l’ex-parti politique de l’ancien président Laurent Gbagbo.
Habitué aux contrats longue durée, “Achpat’’, comme le surnomment ses partisans, réussit à se faire élire sans discontinuité d’abord député d’Adzopé en 2011, 2016 et 2021 puis président du conseil régional en 2013, 2018 et 2023.
Aujourd’hui, il n’est pas exagéré de dire qu’il est incontestablement le leader politique de cette zone du pays, entraînant dans son sillage, son épouse Florence Achi, élue maire d’Adzopé, le chef-lieu de région.
Ses proches le décrivent comme “un bourreau du travail’’. “Il est le premier à arriver au bureau et le dernier à en partir’’, témoigne l’un de ses anciens collaborateurs.
Dans un microcosme politique, où quelques va-t’en guerre ont pignon sur rue, Patrick Achi a su se donner l’image d’un pacifiste, qui se tient loin des intrigues politiciennes.
Peu enclin aux propos polémiques et provocateurs, il est l’une des rares personnalités à faire consensus.
Au sein de son parti, le RHDP où il a toujours mené son militantisme avec un zèle modéré et vis-à-vis de l’opposition, il ne suscite pas d’animosité particulière et jouit plutôt d’une image policée.
Jamais, il n’a cristallisé sur lui le mécontentement des opposants ou essuyé quelques quolibets et autres critiques de la presse proche de l’opposition.
Serge Alain Koffi