L’alliance va-t-elle tenir? À l’issue de ce week-end qui restera peut-être comme un tournant dans la vie politique de la Côte d’Ivoire, où les noms d’oiseaux entre des hauts cadres du PDCI et du RDR ont fusé, la question, légitime, est sur toutes les lèvres. Reprenons l’enchaînement des faits.
C’est le PDCI qui a dégainé le premier. Samedi 10 mars, il mobilisait ses militants à Yamoussoukro, pour une cérémonie d’hommage, voire de « quasi-canonisation » de son vivant, si l’on lit bien le communiqué final, de son leader incontesté, le Président Henri Konan Bedié. « Le hasard » avait mal fait les choses, puisque cette démonstration de force intervenait le même jour qu’une cérémonie identique d’hommage et de remerciement au Chef de l’Etat, Alassane Ouattara, qui elle, se déroulait à Bingerville, en présence du Ministre d’Etat, Hamed Bakayoko. Au PDCI, les intervenants n’y sont pas allés de main morte contre le RHDP, le RDR, voire le Chef de l’Etat. Écoutons plutôt Jean-Louis Billon, l’ancien ministre du Commerce. Il veut compter en 2020, donc il tape fort : « Sans le PDCI, le RHDP n’est rien. Sans le PDCI, il n’y a pas de RHDP ». Ou encore, « Si parti unifié il doit y avoir, ça sera après l’alternance en 2020. Le temps des sacrifices est terminé. Nous demandons à nos partenaires le même sens du sacrifice que le PDCI en 2010 et 2015 ». Quant à Maurice Kakou Guikahué, Secrétaire Exécutif du PDCI, il a renchéri : « Les gens peuvent nous enlever les DG, les PCA, mais nous suivons notre route. (…) Le parti aura 1000 ministres, DG, PCA en 2020 ». Ajoutant, « Il y a bel et bien eu promesse du RDR au PDCI (parlant de l’alternance 2020 – ndlr). Le moment venu, Bedié dira le lieu où ADO a fait cette promesse et le témoin ». En clair, le Président Ouattara ne respecte pas ses engagements. Enfin, la déclaration finale de cette réunion est un véritable appel à l’ancien Président à se tenir prêt pour 2020 : « Le réseau des cadres PDCI (…) demande instamment à Henri Konan Bedié d’être disponible aux sollicitations des Ivoiriens pour gouverner dans la Paix, la cohésion, la stabilité, et la prospérité de notre nation ». Traduction de tout ce qui précède : quoi qu’il arrive, le PDCI annonce qu’il aura un candidat en 2020, et que ce candidat pourrait même être Henri Konan Bedié, lui-même. On ne saurait faire plus va-t-en-guerre dans le contexte actuel. De quoi faire sortir le RDR de ses gons.
Aussi la réponse, tel un boulet de canon, ne s’est pas faite attendre. Dès le lendemain, dimanche 11 mars, un meeting des femmes du RDR au terrain Sococe a été le prétexte à des déclarations féroces à l’endroit du PDCI. Le RDR a sorti ses « grosses voix », en l’occurrence l’homme des mobilisations, à la voix de stentor, l’ancien ministre Adama Bictogo : « Nous disons à tous ceux qui au PDCI s’agitent, à ces politiciens de salon, que la récréation terminée. Le RDR n’acceptera plus d’injures de la part d’irresponsables qui travaillent contre la stabilité de notre pays. Ça suffit (…). Jean-Louis Billon est un petit politicien. Un politicien de salon (…). Qu’il aille à l’Hôtel Ivoire jouer au bowling. C’est ce qu’il sait faire », a-t-il lancé. Pour ce qui est de Maurice Kakou Guikahué, Adama Bictogo estime que c’est « un homme du passé, un irresponsable qui ne mérite pas de diriger ». La Secrétaire Générale du parti, Kandia Camara, non moins virulente, s’est emportée : « Lui, Jean-Louis billon, on s’occupe pas de lui (…), c’est un politicien alimentaire… moi qui suis devant vous, je connais mieux le PDCI- RDA que lui (…). Quand il a quitté le gouvernement il était tellement aigri, il a commencé à dire qu’il allait être candidat à l’élection présidentielle en 2020….. Vraiment Jean-Louis Billon, il me fait pitié ». Du gros calibre pour exécuter un Jean-Louis Billon qui ne demandais pas autant de sollicitude.
Ces 10 et 11 mars peuvent marquer un tournant dans l’histoire du RHDP. Sauf si des voix contraires tentent d’apaiser le débat. Qui se lèvera pour faire baisser la tension entre les deux partis? Le Ministre PDCI Adjoumani, Porte parole du PDCI et du RHDP, a tenté, hier, une sortie en ce sens. « On ne peut pas piéger les militants en leur demandant d’aller rendre hommage au Président (Henri Konan Bedié) pour aller ensuite proférer des insultes ». Celui qu’au PDCI on taxte volontiers de « traitre » ou de « vendu » essaie de faire valoir la voie de la négociation : « Il est vrai qu’aujourd’hui, il y’a des sujets qui prêtent à débat. Lorsqu’il y’a un problème dans une famille, c’est dans la maison qu’on le règle. Ce n’est pas en public. Si vous allez régler les problèmes en public, devant des ennemis, c’est que vous refusez que le problème se règle ». Il lance, de son village, un appel au calme qui, pour l’instant, n’a pas connu un grand écho : « Depuis Assuefry, je lance un appel à tous ceux qui ont un esprit de paix, de dialogue, de s’accorder pour faire échec à toute personne qui voudra allumer le feu en Côte d’Ivoire ».
Une voix, petite et valeureuse, s’élève contre les excès mais d’autres, plus attendues, font entendre un assourdissant silence. Que pensent la Présidente du RDR, Henriette Dagri Diabate, le Président Bedié lui-même et le Président Ouattara? Comme par hasard, les premiers concernés ne disent rien. Ils semblent observer toute cette agitation d’un œil distant et plus serein. Le Ministre Adjoumani, rappelle à juste titre qu’en tant que militant il se doit d’obéir à son chef et que, jusqu’à aujourd’hui, celui-ci n’a pas encore ordonné au PDCI de quitter le RHDP. On oublie trop vite également le communiqué de ferme démenti publié le jeudi 8 mars (seulement deux jours avant l’embrasement), par le porte-parole personnel du Président Bedié. Il faisait suite à des rumeurs de presse faisant état d’une rencontre prochaine entre Jean-Louis Billon et Laurent Gbagbo à la Haye, à la demande d’Henri Konan Bédié, ce qui scellerait la rupture entre lui et Alassane Ouattara. « Faux, Archi-faux (…). A l’évidence, une telle information ne vise rien d’autre qu’à amplifier une crise surfaite et à mettre à mal la cohésion au sein de la famille du RHDP. Nous tenons donc à relever que le Président Bédié n’est pas en délicatesse avec le Président Alassane Ouattara comme tente de le faire croire « La Lettre du Continent ». En homme de justice et de paix, le Président Bédié a toujours su utiliser les clés du dialogue et de la concertation pour lever les incompréhensions qui pourraient éventuellement subvenir dans ses rapports avec ses alliés politiques du RHDP ».
Quel que chose ne colle pas dans le scénario de rupture annoncée. Et si « le plan » était autre? S’il était, quelles que soient les agitations, les énervements, les empressements, déjà entériné par les deux patrons? Si leur silence ne servait qu’à galvaniser leurs troupes, pour qu’ensuite ils leur imposent une solution de vrai compromis déjà décidée? Et si le scénario, écrit depuis janvier 2017, avec la création du poste de Vice-President de la République, était si énorme devant nos yeux que personne ne voulait le voir ou l’admettre? Et si les deux « vieux » nous préparaient un coup bien à leur manière pour remettre tout le monde d’accord?
Philippe Di Nacera
Directeur de la Publication
C’est le PDCI qui a dégainé le premier. Samedi 10 mars, il mobilisait ses militants à Yamoussoukro, pour une cérémonie d’hommage, voire de « quasi-canonisation » de son vivant, si l’on lit bien le communiqué final, de son leader incontesté, le Président Henri Konan Bedié. « Le hasard » avait mal fait les choses, puisque cette démonstration de force intervenait le même jour qu’une cérémonie identique d’hommage et de remerciement au Chef de l’Etat, Alassane Ouattara, qui elle, se déroulait à Bingerville, en présence du Ministre d’Etat, Hamed Bakayoko. Au PDCI, les intervenants n’y sont pas allés de main morte contre le RHDP, le RDR, voire le Chef de l’Etat. Écoutons plutôt Jean-Louis Billon, l’ancien ministre du Commerce. Il veut compter en 2020, donc il tape fort : « Sans le PDCI, le RHDP n’est rien. Sans le PDCI, il n’y a pas de RHDP ». Ou encore, « Si parti unifié il doit y avoir, ça sera après l’alternance en 2020. Le temps des sacrifices est terminé. Nous demandons à nos partenaires le même sens du sacrifice que le PDCI en 2010 et 2015 ». Quant à Maurice Kakou Guikahué, Secrétaire Exécutif du PDCI, il a renchéri : « Les gens peuvent nous enlever les DG, les PCA, mais nous suivons notre route. (…) Le parti aura 1000 ministres, DG, PCA en 2020 ». Ajoutant, « Il y a bel et bien eu promesse du RDR au PDCI (parlant de l’alternance 2020 – ndlr). Le moment venu, Bedié dira le lieu où ADO a fait cette promesse et le témoin ». En clair, le Président Ouattara ne respecte pas ses engagements. Enfin, la déclaration finale de cette réunion est un véritable appel à l’ancien Président à se tenir prêt pour 2020 : « Le réseau des cadres PDCI (…) demande instamment à Henri Konan Bedié d’être disponible aux sollicitations des Ivoiriens pour gouverner dans la Paix, la cohésion, la stabilité, et la prospérité de notre nation ». Traduction de tout ce qui précède : quoi qu’il arrive, le PDCI annonce qu’il aura un candidat en 2020, et que ce candidat pourrait même être Henri Konan Bedié, lui-même. On ne saurait faire plus va-t-en-guerre dans le contexte actuel. De quoi faire sortir le RDR de ses gons.
Aussi la réponse, tel un boulet de canon, ne s’est pas faite attendre. Dès le lendemain, dimanche 11 mars, un meeting des femmes du RDR au terrain Sococe a été le prétexte à des déclarations féroces à l’endroit du PDCI. Le RDR a sorti ses « grosses voix », en l’occurrence l’homme des mobilisations, à la voix de stentor, l’ancien ministre Adama Bictogo : « Nous disons à tous ceux qui au PDCI s’agitent, à ces politiciens de salon, que la récréation terminée. Le RDR n’acceptera plus d’injures de la part d’irresponsables qui travaillent contre la stabilité de notre pays. Ça suffit (…). Jean-Louis Billon est un petit politicien. Un politicien de salon (…). Qu’il aille à l’Hôtel Ivoire jouer au bowling. C’est ce qu’il sait faire », a-t-il lancé. Pour ce qui est de Maurice Kakou Guikahué, Adama Bictogo estime que c’est « un homme du passé, un irresponsable qui ne mérite pas de diriger ». La Secrétaire Générale du parti, Kandia Camara, non moins virulente, s’est emportée : « Lui, Jean-Louis billon, on s’occupe pas de lui (…), c’est un politicien alimentaire… moi qui suis devant vous, je connais mieux le PDCI- RDA que lui (…). Quand il a quitté le gouvernement il était tellement aigri, il a commencé à dire qu’il allait être candidat à l’élection présidentielle en 2020….. Vraiment Jean-Louis Billon, il me fait pitié ». Du gros calibre pour exécuter un Jean-Louis Billon qui ne demandais pas autant de sollicitude.
Ces 10 et 11 mars peuvent marquer un tournant dans l’histoire du RHDP. Sauf si des voix contraires tentent d’apaiser le débat. Qui se lèvera pour faire baisser la tension entre les deux partis? Le Ministre PDCI Adjoumani, Porte parole du PDCI et du RHDP, a tenté, hier, une sortie en ce sens. « On ne peut pas piéger les militants en leur demandant d’aller rendre hommage au Président (Henri Konan Bedié) pour aller ensuite proférer des insultes ». Celui qu’au PDCI on taxte volontiers de « traitre » ou de « vendu » essaie de faire valoir la voie de la négociation : « Il est vrai qu’aujourd’hui, il y’a des sujets qui prêtent à débat. Lorsqu’il y’a un problème dans une famille, c’est dans la maison qu’on le règle. Ce n’est pas en public. Si vous allez régler les problèmes en public, devant des ennemis, c’est que vous refusez que le problème se règle ». Il lance, de son village, un appel au calme qui, pour l’instant, n’a pas connu un grand écho : « Depuis Assuefry, je lance un appel à tous ceux qui ont un esprit de paix, de dialogue, de s’accorder pour faire échec à toute personne qui voudra allumer le feu en Côte d’Ivoire ».
Une voix, petite et valeureuse, s’élève contre les excès mais d’autres, plus attendues, font entendre un assourdissant silence. Que pensent la Présidente du RDR, Henriette Dagri Diabate, le Président Bedié lui-même et le Président Ouattara? Comme par hasard, les premiers concernés ne disent rien. Ils semblent observer toute cette agitation d’un œil distant et plus serein. Le Ministre Adjoumani, rappelle à juste titre qu’en tant que militant il se doit d’obéir à son chef et que, jusqu’à aujourd’hui, celui-ci n’a pas encore ordonné au PDCI de quitter le RHDP. On oublie trop vite également le communiqué de ferme démenti publié le jeudi 8 mars (seulement deux jours avant l’embrasement), par le porte-parole personnel du Président Bedié. Il faisait suite à des rumeurs de presse faisant état d’une rencontre prochaine entre Jean-Louis Billon et Laurent Gbagbo à la Haye, à la demande d’Henri Konan Bédié, ce qui scellerait la rupture entre lui et Alassane Ouattara. « Faux, Archi-faux (…). A l’évidence, une telle information ne vise rien d’autre qu’à amplifier une crise surfaite et à mettre à mal la cohésion au sein de la famille du RHDP. Nous tenons donc à relever que le Président Bédié n’est pas en délicatesse avec le Président Alassane Ouattara comme tente de le faire croire « La Lettre du Continent ». En homme de justice et de paix, le Président Bédié a toujours su utiliser les clés du dialogue et de la concertation pour lever les incompréhensions qui pourraient éventuellement subvenir dans ses rapports avec ses alliés politiques du RHDP ».
Quel que chose ne colle pas dans le scénario de rupture annoncée. Et si « le plan » était autre? S’il était, quelles que soient les agitations, les énervements, les empressements, déjà entériné par les deux patrons? Si leur silence ne servait qu’à galvaniser leurs troupes, pour qu’ensuite ils leur imposent une solution de vrai compromis déjà décidée? Et si le scénario, écrit depuis janvier 2017, avec la création du poste de Vice-President de la République, était si énorme devant nos yeux que personne ne voulait le voir ou l’admettre? Et si les deux « vieux » nous préparaient un coup bien à leur manière pour remettre tout le monde d’accord?
Philippe Di Nacera
Directeur de la Publication