En Côte d’Ivoire, les têtes de liste des candidatures pour les élections locales (Régionales et municipales) prévues le samedi 13 octobre prochain, sont connues pour le PDCI et le RHDP unifié. Mais déjà, ces publications de listes enfoncent le clou dans les relations quelques peu tendues entre ces deux partis politiques qui formaient il y a peu encore, une même entité. Est-ce le début de la « pesée » de par la qualité des personnalités alignées ?
La présence de 18 noms de personnes à la fois sur les listes du PDCI et du RHDP unifié, aura suffi à davantage donner du sens à « On va se peser », l’expression en vogue dans le paysage politique ivoirien. Pour certains, ces candidatures double casquette démontrent les difficultés de chacune de ces deux formations à être au-dessus de l’autre dans la mobilisation. C’est d’ailleurs pour en avoir le cœur net, que le président du PDCI Henri Konan Bédié a convoqué depuis ce lundi 27 août à une audition individuelle les concernés afin qu’ils se déterminent. Un oral sans intermédiaire diversement interprété dans le pays par des pro et anti parti unifé RHDP. Mais qui permet de connaitre des positions. Plus ou moins précises.
« Il s’agit d’une élection locale qui concerne ma région, la région de la Nawa. Je suis candidat pour ma région et pour les habitants de la Nawa. J’ai été élu en 2013 en RHDP avec tous les partis qui m’ont soutenu. Je suis PDCI je continue de l’être, et je serai soutenu pas tous les partis qui sont sur ma liste. C’est clair, c’est net », a soutenu le ministre Alain Richard Donwahi des Eaux et Forêts dont le nom figure à la fois sur les listes PDCI et RHDP pour le compte des régionales dans la Nawa, au sortir de son entretien avec Henri Konan Bédié.
« Sortir des listes fictives si l’on veut parler de pesage »
Mamadou Traoré est Conseiller régional RDR dans la Bagoué (Boundiali au nord de la Côte d’Ivoire). Selon lui, le retournement de veste de certains candidats de part et d’autre rend difficile le pesage des forces en présence. « Il faudra sortir des listes fictives si l’on veut parler de pesage. Vous savez qu’après les listes publiées par le RHDP, il y a eu des candidats qui ont dit qu’ils ne se reconnaissaient pas sur ces dernières. Ils disent n’avoir pas été consultés au préalable. Et quand Bédié les a interpellés, ils ont très vite retourné la veste. Le RHDP devra donc revoir sa liste. Aussi en l’état actuel des choses, je ne suis pas convaincu qu’on puisse faire un pesage des forces en présence. Vous avez vu à Lakota par exemple, Samy Merhi dit ne pas aller en tant que PDCI face à Kouyaté. Je considère donc que les listes qui sont sorties avec les réactions que nous voyons sont provisoires », comment-il pour Poleafrique.info qui l’a joint.
Le PDCI d’Henri Konan Bédié et le RDR d’Alassane Ouattara ainsi que certains partis ivoiriens formaient jusque-là le RHDP, la mouvance présidentielle en Côte d’Ivoire. Ses acteurs ambitionnaient même transformer cette coalition en un parti unifié RHDP. Mais officiellement depuis le 8 août, le PDCI s’est retiré de ce groupement politique. Non sans laisser sur le carreau certains de ses cadres qui n’ont pas hésité à désapprouver son acte et envisager une « pesée » des forces en présence.
Pour Pr Dogbo Pierre, Directeur de l’école des Sciences politiques de l’université Félix Houphouët-Boigny, le divorce PDCI-RHDP traduit un manque de maturité politique. « Se limiter aux listes PDCI ou RHDP unifié ne nous donne pas une vision claire pour comprendre l’état dans lequel se trouve la Côte d’Ivoire. Quand vous regardez cette confusion au sommet de l’Etat entre deux partis qui ont gouverné ensemble et continuent de gouverner, vous comprenez que la Côte d’Ivoire n’a pas encore atteint la maturité politique ou du moins l’élite politique n’a pas encore atteint la maturité démocratique pour faire entrer la Côte d’Ivoire de plein pied dans le 21ème siècle. C’est cela l’enjeu », analyse-t-il pour Poleafrique.info.
A l’en croire, il y a un malaise au sommet de l’Etat ivoirien. « Quand on regarde la problématique au sein du PDCI et du RHDP, on se rend compte que ce ne sont pas des partis démocratiques. Au-delà, ce sont deux partis qui gouvernent ensemble mais qui font de la politique non pas un jeu, mais un enjeu. Hier on t’a soutenu aujourd’hui c’est notre tour. Donc pousse-toi que je m’y mette. Ce n’est pas un esprit républicain. Ensuite, poser le vocable « on va se peser » est enfantin. Car la Côte d’Ivoire du fait de son poids dans l’UEMOA est un pays sérieux. PDCI, RDR ou RHDP ont décidé de créer l’instabilité au sommet de l’Etat. En d’autres termes, le débat entre PDCI et RDR au sein du RHDP met en mal le gouvernement et crée une confusion au sommet de l’Etat. Il faut que le président ait tout le courage de dissoudre ce gouvernement. Soit, il gouverne avec un gouvernement purement RHDP détaché du PDCI, soit il forme un gouvernement d’union nationale parce qu’il y a péril en la demeure. Car on ne peut pas jouer avec l’avenir d’un pays de cette manière », recommande le politologue ivoirien.
Richard Yasseu
Source : rédaction Poleafrique.info
