Société

Permis de conduire: payer ou respecter la loi, il faut choisir

Mis à jour le 27 avril 2021
Publié le 27/04/2021 à 5:00 , , ,

Il faut payer les cours à l’auto-école. Mais en plus, soudoyer les inspecteurs pour passer le code et les instructeurs pour la conduite. Le mal est profond.

La route tue en Côte d’Ivoire. Plus de 1 000 morts sont enregistrés par an dans le pays. Une situation qui a provoqué la suspension des examens pour le permis de conduire par le ministère ivoirien des Transports. Les gendarmes prendront le relais début mai 2021, jusqu’à ce que de nouveaux inspecteurs soient désignés pour reprendre le processus d’établissement du permis de conduire.

La décision fait suite à la corruption qui ronge le secteur. Conséquence, les mauvais chauffeurs inondent les routes ivoiriennes. Le permis de conduire est acheté plutôt que d’être mérité.

« On parle de la corruption dans l’obtention du permis de conduire, mais vous devez savoir que cela ne date pas d’aujourd’hui. Cela fait 20 ans aujourd’hui que j’ai un permis de conduire. Mais déjà à cette époque, il fallait payer pour réussir sa visite médicale, son code et payer aussi pour la conduite. Je me souviens qu’un ami m’a prévenu que je serais recalé si je dérogeais à la règle. Aujourd’hui c’est encore pire, car le coût du permis de conduire est passé à 170.000 FCFA sans les frais annexes. C’est dommage ! » fait savoir sous le sceau de l’anonymat un cadre d’entreprise en Côte d’Ivoire.

C’est connu de tous. Le jour de l’examen du Code de la route à la tour C de la cité administrative au Plateau, que vous connaissiez les panneaux de signalisation par cœur ou pas, il faudra payer la somme de 10.000 FCFA à l’inspecteur au risque de se voir recaler. Idem pour l’examen de conduite. L’instructeur est soudoyé à hauteur de 10.000 FCFA pour s’assurer un bon résultat.

La responsabilité des auto-écoles engagée

« Nous ne faisons qu’entrer dans le système. Il n’est pas facile de faire vivre son auto-école. Alors nous faisons une sorte de package pour le candidat au permis de conduire. Et dedans, nous incluons les sommes à verser à la visite médicale, à l’examen du code et de la conduite. C’est ce qui explique les montants exorbitants parfois pratiqués par certaines auto-écoles », révèle Anselme K, moniteur dans un établissement de conduite de la place.

 

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Nombreux sont les chauffeurs en Côte d’Ivoire qui n’ont assisté à aucun cours de conduite dans les auto-écoles. Ils ont passé le permis sur place à la maison, sans se déplacer. C’est pareil pour la visite médicale. Pourtant dans les règles, le candidat au permis doit suivre 18 cours de code et 18 cours de conduite à l’auto-école. Une évaluation sanctionne les cours théoriques et une autre, la pratique sur route.

Selon Koné Tiéhoulé, directeur d’auto-école, l’État doit mettre en application la loi d’aide aux auto-écoles afin d’aider celles-ci à mieux former.

« La demande pour le permis de conduire est forte et les auto-écoles, hormis les inscriptions, n’ont plus de source de revenus. Comment voulez-vous que les chauffeurs soient bien formés ? Il faut payer les instructeurs et les moniteurs dans les centres d’apprentissage pour assurer une meilleure formation. Voilà ce qui amène les directeurs d’auto-école à fuir leurs responsabilités. Notre métier a besoin d’une réforme profonde. Une promesse avait même été faite par Alassane Ouattara quand il était Premier ministre. Mais il n’a pas été suivi et les conséquences sont là », a-t-il confié à 7info.

L’État peine à trouver la solution

Afin de lutter contre le phénomène préoccupant des accidents de la circulation en Côte d’Ivoire, le ministère des Transports a mis en place une Commission spéciale de suspension et de retrait du permis de conduire. Son but, traquer les chauffeurs indélicats, les sanctionner et retirer leur permis de conduire. Mais les membres de cette commission ne se réunissent qu’une fois tous les deux mois. Et pendant ce temps des milliers de candidats au permis de conduire passent chaque jour leurs examens haut les mains.

Depuis 2018, date de la réactivation de cette commission, plus de 1000 permis ont été retirés ou suspendus.  Mais insuffisant pour que cessent les accidents de la route, conséquence de l’indiscipline notoire ou la méconnaissance du Code de la route par certains conducteurs.

La décision de suspendre l’examen du permis de conduire afin d’assainir le milieu ira-t-elle jusqu’au bout ? Portera-t-elle les fruits escomptés ? Les Ivoiriens s’interrogent.

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