Les élèves des établissements scolaires publics et privés ont à nouveau imposé leur diktat aux maîtres en Côte d’Ivoire.
Rebelote. Les élèves imposent encore leur loi. A Bouaké dans le centre-nord de la Côte d’Ivoire, ils ont à nouveau décidé d’imposer leur propre calendrier dans la programmation des congés de Pâques. Des établissements ont déjà fermé leurs portes face à la violence des apprenants. Malheureusement dans un silence coupable du gouvernement et des parents.
« C’est aujourd’hui surtout que le fait s’observe dans presque toute la ville. Sinon depuis avant-hier mardi, 4 avril et hier, les cours sont arrêtés dans les écoles comme le Lycée Djibo Sounkalo. Ils exigent selon eux le démarrage du congé de pâques à partir du 4 avril et non le 12 avril comme décidé par le ministère. Il y a eu dans la ville un déferlement d’élèves des établissements du public vers leurs condisciples des écoles privées pour les inciter à arrêter les cours. Seul le Lycée 2 continue les cours. Mais, les élèves promettent eux-aussi de rentrer dans la danse dès lundi prochain pour ne revenir que le 24 avril 2017 comme tous les autres », raconte un confrère joint au téléphone ce jeudi 6 avril par Politikafrique.info. Avant d’ajouter : « c’est le même scénario que pendant la période de Saint Valentin ».
Courant février 2017 dans cette même ville, un mouvement d’humeur des élèves exigeant le congé de Saint Valentin avait éclaté. Et a fini par aboutir. Le soulèvement s’était par la suite propagé dans plusieurs localités du pays y compris à Abidjan, la capitale économique. Un défi à l’autorité. Quelques jours plutôt en effet, le ministère de l’Education nationale annonçait sa décision de rogner sur la durée des congés de Saint Valentin, de Pâques et des grandes vacances dans l’espoir de rattraper une douzaine de jours sur les trois semaines de grève observée par les fonctionnaires. Ainsi, le congé de Saint Valentin avait été supprimé et celui de la Pâques réduit (du 12 au 17 avril 2017) à la différence du calendrier habituel.
Il y a quelques jours déjà dans cette même ville de Bouaké, des élèves s’étaient opposés à la confiscation de leurs téléphones portables, interdits dans tous les établissements scolaires par le ministère de l’Education Nationale.
Pas seulement Bouaké
A Bouaké, l’on regrette ces faits, mais on ne l’impute pas à cette seule ville. « Nous regrettons tous ce qui se passe. Mais, j’ai rendu compte à Abidjan et on m’a dit que c’est pareil dans toute la Côte d’Ivoire. Ce n’est pas une spécificité de Bouaké », reconnaît Aka Konin, le Préfet de région et préfet de Bouaké. Selon lui pourtant, de nombreuses actions de sensibilisation ont été menées par ses services à travers « le salut aux couleurs tous les lundis», les rencontres avec les acteurs de l’Education Nationale dans le département et les conseils aux élèves afin qu’ils se concentrent uniquement sur les études. « Mais rien y fit », déplore-t-il.
Un héritage du passé
« Cela ne date d’aujourd’hui. Nous héritons d’une situation qui a existé jusqu’en 2010. C’est un fait auquel les enfants sont habitués et que nous faisons tous nos efforts pour gérer. Depuis notre arrivée, il y a une nette amélioration. Autrefois, on se rappelle qu’à une ou deux semaines déjà avant les congés de Noël ou de Pâques, les élèves demandaient à partir. Aujourd’hui avec de l’insistance, les choses se sont nettement améliorées n’eut été la particularité de cette année avec la grève des fonctionnaires en janvier. Le ministre (Kandia Camara, Ndlr) on se rappelle, a réaménagé le calendrier scolaire pour rattraper douze jours sur les trois semaines de grève. Ce qui est dans l’intérêt des élèves car il y a un programme à respecter et un quantum horaire à respecter également. Il est évident que si on ne respecte pas le quantum horaire, le programme ne sera pas non plus respecté et partant, il sera difficile que le niveau souhaité aux élèves soit atteint », a réagi Kouyaté Abdoulaye, Chef de cabinet du ministre de l’Education nationale actuellement en mission hors du pays, joint par Politikafrique.info.
Selon le collaborateur du ministre Kandia Camara, le comportement actuel des élèves est un souci pour son ministère, qui dit-il, ne ménage aucun effort pour tout mettre en œuvre afin que soit respecté non seulement l’autorité, mais aussi le temps scolaire ainsi que le programme. Il reste toutefois convaincu que cela requiert l’appui de tous.
« Nous demandons la contribution de tous. Que les chefs d’établissement veillent au respect du temps scolaire, que les autorités administratives à savoir le corps préfectoral et la police mettent en action les forces de l’ordre pour sécuriser les écoles. Car il y a certains élèves qui veulent suivre les cours. Parce qu’il ne faut se méprendre, l’éducation nationale n’est pas seulement l’affaire des acteurs et gestionnaires de l’éducation. C’est une affaire de tout le monde. Y compris les médias, les guides religieux, les élus locaux. Tout le monde doit jouer sa partition pour que l’école fonctionne », préconise-t-il.
Malheureusement, les parents d’élèves sont muets sur la situation qui prévaut. Aucun son de condamnation ni de recommandation face à ce phénomène qui déteint sur les résultats de fin d’année. Pour se faire une nette idée, Politikafrique.info est rentré en contact avec Tanoh Aka, président de l’Union nationale des parents d’élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (Unapeeci). Son avis est sans ambages, le temps est à la sanction tout en déplorant ce diktat des élèves.
« Cette situation est déplorable. Il est inadmissible que des élèves dictent leur loi aux maîtres. Mais elle prend forme parce le gouvernement et surtout les enseignants ne prennent pas leurs responsabilités. D’un, il faut mettre aux arrêts les fauteurs de troubles dans les écoles et que la loi s’applique à eux dans toute sa rigueur. Quand il s’agit de mouvement de groupe comme c’est actuellement le cas, il faut que les enseignants programment des devoirs ou des interrogations tous les jours où ces élèves s’absenteront. Cette sanction globale va se ressentir surement dans les moyennes annuelles. Que le gouvernement et les enseignants fassent leur travail dans le programme fixé. Cela va faire changer les choses » préconise-t-il.
Richard Yasseu
Source : rédaction Politikafrique.info