A l’issue d’un énième arrêt de travail, les propriétaires de point de vente mobile money ont décidé d’appliquer des frais de proximité de 100 FCFA sur toutes les transactions. De leur côté, les opérateurs de mobile money ont trouvé la parade en signant un partenariat avec les stations-service, les banques, les gares et les maisons d’assurance. Cette $décision fait-elle craindre une disparition prochaine des PDV en Côte d’Ivoire ? Professeur Prao Séraphin, Professeur en Économie monétaire et enseignant-chercheur à l’Université de Bouaké s’est prononcé sur la question.
Quelle est la place de la fintech dans l’économie d’un pays comme la Côte d’Ivoire ?
Le développement des fintech (nouvelles technologies dans la finance) est une bonne chose pour l’économie. Cela fait partie d’un grand ensemble qu’on appelle l’économie numérique. En développant les moyens de paiement électronique, cela permet de faciliter les échanges, favorise la création d’emplois et offre un gain de temps aux consommateurs. Tout ce qui facilite les échanges dans une économie, dynamise le commerce et l’économie dans son ensemble. Parlant d’emplois, cela est visible face au nombre important de points de vente qui existent dans le pays. En termes de gain de temps, avant on attendait un mandat qu’on devait envoyer à son enfant à Bondoukou ou à Gagnoa. Maintenant, à la minute près vous pouvez le faire. Retenez qu’on réduit les coûts de transactions dans une économie lorsque nous développons ces moyens de paiement modernes. Aujourd’hui le bras de fer entre les opérateurs de mobile money et les propriétaires de PDV met en mal ce processus en Côte d’Ivoire.
Dans ce bras de fer, les opérateurs de mobile money ont trouvé la parade aux pressions des PDV en signant un partenariat avec les stations, les banques, les gares et les maisons d’assurance. Quel est votre commentaire ?
Retenez que ce n’est pas un fait nouveau. Déjà en 2017, la société de télécommunications Orange avait signé un partenariat avec la compagnie multi-énergies Total en Afrique et au Moyen-Orient dans ce sens. Donc dans une dimension d’anticipation, Orange a choisi cette option en s’alignant sur la concurrence, parce que si vous ne vous alignez pas sur la concurrence vous disparaissez.
Pensez-vous que la situation qui prévaut actuellement annonce la mort des PDV ?
Il n’est pas possible de supprimer les points de vente mobile money (PDV). Prenons le cas des stations-service, il est vrai que pour les routards c’est le lieu indiqué, mais ce n’est pas tout le monde qui va prendre le temps d’en chercher une pour faire ses transactions. Dire que ces nouvelles structures affiliées vont carrément faire disparaître les PDV, je ne pense pas et je ne crois pas que ce sera une bonne chose pour le gouvernement. En ce sens que, les PDV comme je le disais créent de nombreux emplois qui permettent de réduire le taux de chômage dans le pays, facilitent les échanges et dynamisent l’économie du pays. Je suis certain qu’à très court terme, Orange, Wave, Moov et MTN vont travailler avec leurs propres agents et non avec des particuliers, comme c’est le cas en ce moment avec les banques qui créent leurs structures de microfinance. Des agents que ces opérateurs vont se charger eux-mêmes de rémunérer.
LIRE AUSSI : Mobile money, les PDV reprennent le service avec de nouveaux frais sur les transactions
En tant que spécialiste en économie monétaire, quelle est la solution que vous préconisez pour régler ce problème qui oppose les opérateurs de mobile money et les propriétaires de points de vente ?
Malheureusement les opérateurs de mobile money ne veulent pas entendre parler d’une augmentation des commissions au profit des PDV. En économie il y a une maxime qui dit qu’il y a une flexibilité des prix pour le consommateur à la baisse mais pas à la hausse. Aujourd’hui Wave est venue avec les frais fixés à 1% et voilà que les consommateurs ne sont plus prêts à accepter une quelconque augmentation des frais de transactions. Du coup, les opérateurs de mobile money ne peuvent plus le faire. La seule chose qui est opportune à mon avis, c’est que ces opérateurs acceptent de diminuer leur marge bénéficiaire en s’entendant avec les propriétaires de points de vente. Auquel cas, cela va créer de nombreuses difficultés dans notre pays. S’affilier à d’autres structures n’est vraiment pas la solution.