Il est toujours difficile de faire le bonheur des gens contre leur gré. C’est quelques fois la difficile tâche d’un gouvernement. Dans l’affaire des entreprises d’agro-business, le gouvernement ivoirien, qui prend la juste décision de mettre sous séquestre les comptes de 28 sociétés du secteur, n’a d’autre ambition que de protéger les citoyens ivoiriens souscripteurs de ce qui apparaît de plus en plus comme de vulgaires et dangereuses pyramides financières. 36 699 personnes, dont les économies sont en péril, sont concernées. Pourtant elles sont fâchées. Elles manifestent, réclament le déblocage des comptes des entreprises d’agro-business ainsi que le versement de leurs bénéfices, accusent le gouvernement de tous les maux et de toutes les mauvaises intentions…. savent-elles vraiment ce qu’elles font? Elle creusent en réalité leurs propres tombes financières.
Reprenons l’histoire au début. Qu’est-ce qu’une pyramide de Ponzi? Il s’agit d’un échafaudage financier frauduleux qui, sur le papier, ressemble à un investissement très juteux mais qui, en pratique, s’avère d’une extrême dangerosité pour ceux qui s’y aventurent. Pensez donc… on vous offre 300% de bénéfices en six mois et 600% en un an seulement. Qui n’en rêverait pas? Ceux qui y souscrivent n’ont pas l’air de voir le problème. Pour l’instant. Le système consiste à « rémunérer les investissements des clients par les fonds récupérés auprès de nouveaux entrants dans l’affaire ». Au début ça marche. Peut être en sommes-nous encore à ce stade en Côte d’Ivoire. Mais très vite l’histoire se gâte. Car il faut toujours de nouveaux clients pour payer les anciens. Et quand le système peine à en trouver, tout s’effondre. De la pure cavalerie financière. De la pure escroquerie. C’est pour empêcher cette catastrophe financière et humaine -rappelons que près de 37 000 familles ivoiriennes sont concernées- que le gouvernement a brutalement bloqué les comptes des entreprises d’agrobusiness, proposant aux souscripteurs de les « rembourser sur la base du capital investi et du solde disponible dans les comptes de ces sociétés ».
Demandez à Bernard Madoff. Ou plutôt à ses clients fortunés. Il a écopé en 2009 de 150 ans de prison aux Etats-Unis. Dans les geôles américaines où il croupit depuis huit ans, celui qui fut considéré comme le pape de la finance dans les années 90 et 2000, qui fut courtisé par toute l’élite américaine, qu’elle soit politique, financière, artistique ou people, pourrait parfaitement expliquer à partir de quel grain de sable, l’empire spéculatif qu’il avait bâti sur le modèle d’une pyramide de Ponzi, s’est effondré. Le FBI américain l’a inculpé pour escroquerie à hauteur de 65 milliards de dollars. Il a ruiné des dizaines de personnes, pris au jeu de sa rassurante stature.
Quand le 15 février 2017, le gouvernement décide de mettre le haut-là à cette pratique en Côte d’Ivoire, on peut toujours considérer que la décision vient tard, mais elle n’a d’autre ambition que d’éviter la ruine totale aux souscripteurs ivoiriens. Certes, ils ne gagneront pas d’argent mais au moins ils seront remboursés de leur mise, au mieux des possibilités. Il y a beaucoup de pédagogie à faire autour de cette décision. Le gouvernement devrait sûrement en faire plus. Rembourser les souscripteurs tant qu’il est encore temps est la décision la plus sage qui soit. Ceux qui disent que « ça marchait très bien et on vient nous empêcher de prospérer » n’ont qu’une vision égoïste et à courte vue. Car, ce type de montage financier se termine toujours mal. Mieux vaut récupérer ses billes tout de suite sans plus-value, plutôt que de tout perdre à la fin. Ces soit-disant investissements devaient s’adosser à des activités réelles, c’est- à-dire des exploitations agricoles. Les souscripteurs sont-ils certains que ces exploitations existent toutes? Rien n’est moins sûr.
Les pyramides, que l’on dit basée sur la solidarité des souscripteurs, sont sensées amener ceux-ci vers des sommets financiers. Elles s’avèrent être des toboggans infernaux.
Quand on vous promet 600% de bénéfices en un an, pardon, fuyez. C’est une arnaque.
Philippe Di Nacera
Directeur de la publication