Analyses

Quand les mastodontes du RHDP affûtent leurs armes…/ Philippe Di Nacera

Mis à jour le 4 mars 2021
Publié le 25/02/2018 à 4:46

Il paraît que le RDR et le PDCI discutent au plus haut niveau, comme le nom du comité adhoc mis en place l’indique, pour déterminer les conditions et le calendrier de leur fusion au sein du RHDP. Pourtant, chacun affûte ses armes de son côté, on ne sait jamais….

L’arme dont il s’agit ici est la communication. Après le PDCI, le RDR, a organisé ce week-end un séminaire à Yamoussoukro, réunissant ses plus hauts cadres nationaux et régionaux, autour de sa Présidente et de sa Secrétaire Générale, afin de définir une stratégie de communication pour les années à venir. Certes, après le troisième congrès ordinaire, la nouvelle direction du RDR se devait de s’organiser, alors que pas moins de trois élections sont annoncées en 2018 (sénatoriales, municipales, régionales). Comme a pu le constater sur place le reporter de PoleAfrique.info, les Républicains se sont dit en face des vérités crues. Elles ont pu faire mal à certaines oreilles, mais force est de constater que depuis l’élection du Président Ouattara à la magistrature suprême, le RDR n’a pas su trouver sa place à côté du gouvernement. Il est peu à peu devenu un parti croupion, inaudible et sans visibilité, dans lequel les ambitions personnelles ont le pris le pas sur le reste, sur fond de grogne des militants. La nouvelle direction a vite pris la mesure du danger. Elle devait reprendre la main, impulser un nouveau souffle, réintroduire du collectif dans son fonctionnement, de la vision à moyen et long terme, faute de quoi le parti de gouvernement risquait de devenir plus un handicap qu’un atout pour les élections à venir. Au sortir de ce week-end de solide réflexion, les responsables du RDR se sentent rassérénés, rassurés qu’ils sont de renouer avec un esprit conquérant, particulièrement dans le domaine où il excellait depuis sa création, en 1994, jusqu’a son accession au pouvoir en 2010, à savoir la communication.

Mais on a beau chercher, on ne voit nulle part l’idée de la fusion dans ce nouvel et indéniable élan du RDR, comme on la cherche dans les réflexions stratégiques du PDCI, de l’UDPCI, de l’UPCI, du MFA. Au-delà de certains discours de quelques grands responsables qui croient encore que l’union des houphouëtistes est, de par la masse critique qu’elle représente dans l’opinion, un gage de stabilité pour la majorité et pour le pays, on ne voit rien de concret sur le sujet. Chaque parti s’organise pour lui-même, pense pour lui-même, cherche son candidat pour 2020. La contradiction est flagrante chez ceux qui, fondamentalement, se réfèrent au père fondateur de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, à sa philosophie et à ses réalisations. Mais de tout cela, il n’est pas question. Peut-être, les deux présidents, Ouattara et Bédié, nous feront, à la dernière minute, une surprise de chefs, bien à leur manière, qui surprendra (agréablement?) tout le monde.

En attendant, les plaques tectoniques bougent. Le FPI, le parti de l’ex-Président Laurent Gbagbo, qui pratique depuis sept ans une opposition dure au pouvoir RHDP, jusqu’à boycotter certains scrutins, a recommencé a participé aux élections depuis les dernières législatives. Il s’active pour préparer les prochaines municipales. Remis dans le jeu politique, il a fait à plusieurs reprises, plus que des appels du pied au PDCI, des offres de service, évoquant clairement un renversement d’alliance. C’est son intérêt. C’est son jeu stratégique et logique d’essayer d’enfoncer un coin entre les grands partis de la majorité. Mais pourrait-il à ce point s’avancer s’il ne s’y sentait pas « autorisé » à le faire? On ne peut s’empêcher de se souvenir que le Président du PDCI, Henri Konan Bédié, a accordé une audience privée, en ce début d’année, au Président du FPI, l’ancien Premier Ministre de Laurent Gbagbo, Pascal Affi N’Guessan, pour recevoir ses vœux. Il y a longtemps que cela n’était pas arrivé. C’est bien depuis cette audience que le FPI est sorti du bois pour proposer la botte au PDCI.

La vie politique « normalisée » que PoleAfrique.info appelle de ses vœux, peu à peu, se met en place en Côte d’Ivoire. Ce sera à mettre au crédit du Président Ouattara mais aussi de la prise de responsabilité des dirigeants de l’opposition. Cette normalisation peut avoir comme effet des unions, des désunions, des alliances et des renversements d’alliances entre les partis politiques, comme dans toutes les démocraties. A priori, aucun des grands partis ne peut gagner seul les élections en Côte d’Ivoire. Mais gardons à l’esprit que la Côte d’Ivoire reste fragile du fait de ses dix années de crise politique. Modifier trop tôt la logique des blocs politiques actuels pourrait la déstabiliser à nouveau. La fin du mandat du Président Ouattara en 2020 sera un carrefour que le pays devra négocier en douceur. Par ailleurs, les alliances purement électoralistes, si elles peuvent faire gagner, ne durent pas. Surtout elles se retournent toujours contre les protagonistes.

La logique voudrait que les partis composant le RHDP s’activent publiquement pour montrer leur volonté de rester ensemble, voire de fusionner. C’est à l’inverse qu’on assiste. Piques, chausse-trappes, soupçon de déloyauté ou de préparation de « coup » dans le dos… Aborderont-ils les quatre prochaines échéances électorales en ordre dispersé? Noueront-ils de nouvelles alliances? Au contraire, l’alliance actuellement au pouvoir sera-t-elle redynamisée ou même renforcée? La fusion tant annoncée aura-t-elle lieu? Voici quelques questions auxquelles les ivoiriens attendent légitimement des réponses.

Philippe Di Nacera

Directeur de la Rédaction

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