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Qui veut plomber Ouattara?/ Philippe Di Nacera 

Mis à jour le 4 mars 2021
Publié le 23/07/2016 à 5:40 , , ,

L’exaspération des ivoiriens est palpable. Les événements récents l’attestent. Agitation Universitaire et contestation des factures de la CIE. Sur les réseaux sociaux fleurissent ce type de prise de position : « CIE voleurs », « CIE on en a marre », Le 1er mai notre cher President a mis du baume dans nos cœurs avec ce beau discours. On s’est tous dit « c’est réglé », mais apparemment la CIE n’écoute même pas notre President. Dans quel pays sommes nous, je me demande ».

On se demande en effet qui, à la CIE, a brillamment imaginé qu’envoyer deux factures le même mois aux usagers, allait passer comme une lettre à la poste, après que le Chef de l’Etat eut exigé, le 1er mai dernier, l’annulation des augmentations des tarifs d’électricité. Une énormité. Heureusement, un responsable de l’entreprise publique a annoncé que les usagers avaient été entendus et que le délai de paiment était repoussé…. De huit jours! Pour finalement annoncer à la télévision vendredi soir que le délai de paiement était encore repoussé et serait négocié avec les associations de consommateurs…. Ouf! On aurait voulu plomber le Président, on ne s’y serait pas pris autrement.

Quant aux mouvements d’humeur de la foule ivoirienne, après réception de la seconde malheureuse facture de la CIE, il semblerait que certains aient été moins spontanés que d’autres. La révolte de Bouaké, elle, a été minutieusement préparée et coordonnée, ses promoteurs surfant sur la colère légitime des usagers de la CIE. Résultat, un mort, des blessés, des banques, des bureaux administratifs saccagés et l’armée mobilisée pour imposer le retour au calme. On voudrait plomber le Président, on ne s’y prendrait pas autrement.

Université FHB, Abidjan. Les étudiants titulaires de chambres à la cité universitaire décident, sous l’égide du maître des lieux, la FESCI, que non, il ne leur convient pas de céder leur place, pendant un mois, en juillet 2017, aux athlètes venus du monde entier pour participer à un événement international majeur. Il s’agit rien moins que des Jeux de la Francophonie, qui placeront la Côte d’Ivoire au coeur de l’attention d’un ensemble géopolitique de 80 pays répartis sur tous les continents. On ne peut pas faire plus nombriliste, égoïste, étriqué, comme comportement. Et le Président Ouattara, sûrement à bout d’exaspération, de céder à l’injonction estudiantine, pour éviter des polémiques et des secousses à n’en plus finir, surtout pendant les Jeux. Il a raison, l’image de la Côte d’Ivoire d’abord. On trouvera bien un autre endroit pour loger les athlètes, poètes, artistes, photographes qui arriveront de tous les coins du monde l’an prochain. Mais nombreux sont les ivoiriens qui ne supportent plus que le syndicat étudiant fasse la pluie et le beau temps à Cocody. Ils en veulent au Président d’avoir reculé. Les étudiants on voulu, eux aussi, plomber Ouattara à leur manière. Ils ont enfoncé un petit coin dans l’image du chef de l’Etat. Ils sont content, c’était leur objectif.

A cela s’ajoutent les aléas de la relation entre les deux grands alliées de la coalition au pouvoir, RDR et PDCI. Soutien contre Alternance, avait dit le chef du PDCI. Aujourd’hui, les troupes du vieux chef réclament déjà et bruyamment leur dû. Dans les paroles mais aussi dans les actes. Les difficultés récentes du vote de la loi référendaire en témoignent. La discussion autour du projet constitutionnel lui-même promet d’être âpre, dans tous les camps.

Dernier étage du mille feuille à complications du Chef de l’état, la situation au sein de son parti, le RDR. Un signe de la coupure entre la base et les cadres, la multiplication des candidatures à l’investiture du parti en vue des législatives. Cela pourrait aboutir à l’élection de nombre d' »indépendants » à l’Assemblée. Des écuries se mettent en place, à l’encontre d’une franche cordialité.

Et si tout n’était pas si fortuit? Grogne sociale, réforme de la constitution, référendum, succession et/ou alternance 2020, relations au sein de la majorité, relations avec l’opposition, concurrence des fils putatifs… Tout est en place pour un second mandant riche en rebondissements. Le Président de la République  a été réélu à plus de 80 % il y a huit mois seulement, les grandes manœuvres de l’après Ouattara ont pourtant commencé. Le voilà déjà sur tous les fronts de la grogne sociale et politique. Le second et dernier mandat d’Alassane Ouattara, qui rappelons-le, dure cinq ans, ne sera pas un lit de roses. Les secousses ne font que commencer. Il faudra au Président déployer tout son savoir faire politique pour retenir les chevaux et calmer fermement les ardeurs de ceux qui visent la suite. Il lui faudra aussi, plus vite que prévu, obtenir les résultats qu’il cherche au bénéfice du peuple, pour empêcher ceux, adeptes des vielles méthodes, qui aiment souffler sur les braises du feu social, de trouver un écho.

Philippe Di Nacera 

Directeur de la publication 

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