L’opposant congolais Moise Katumbi, a depuis son exil, fait un tweet, repris par le magazine d’information en ligne, Politico.cd. Il promet « recourir à de grands moyens s’il n’y a pas d’élection le 23 décembre prochain » en République Démocratique du Congo. Une déclaration qui en dit long sur la situation qui pourrait prévaloir dans le pays, si ces élections tant attendues, étaient une fois de plus reportées.
Joseph Kabila a officiellement fini son deuxième mandat en 2016. Mais jusque là, pas l’ombre d’une seule élection en République Démocratique du Congo (RDC), pour élire un nouveau président et renouveler les instances politiques. Plusieurs fois annoncées puis reportées, les élections n’ont jamais pu se tenir. La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) évoque à chaque fois, un manque de moyens logistiques, pour l’organisation du scrutin. Cette énième sortie de l’ex gouverneur du Katanga, Moise Katumbi, sonne donc comme un avertissement à son principal rival, Joseph Kabila, à quelques mois des élections dans le pays.
Et selon le Professeur Dogbo Pierre, directeur de l’école des sciences politiques de l’Université Félix Houphouët Boigny, il est temps pour Kabila fils, de partir.
« On ne gouverne pas un pays avec des tweets. La politique, c’est sur le terrain. Qu’il rentre au Congo s’il en a les moyens, avant d’affirmer de telles choses. C’est pour encore participer à l’instabilité dans le pays. Moi je crois à la voie de la démocratie, la voie des urnes. Les congolais doivent s’organiser pour aller aux élections et élire un nouveau président. Je suis contre la candidature de Kabila, car cela fait 17 ans qu’il est au pouvoir sans véritablement prouver quoi que ce soit. Que pourra t-il apporter de plus avec un autre mandat ? », S’interroge l’analyste.
Pour le professeur, c’est cela, le mal de l’Afrique. « On refuse l’alternance. Nos dirigeants pensent qu’il n’y a plus de vie après le pouvoir. Mais vous voyez bien le cas de l’ex président nigérian Olusegun Obasanjo, qui se voit confier plusieurs missions diplomatiques. Je pense que c’est Kabila le mal de la RDC. Quand les opposants se mettent dans ces positions radicales, il faut prendre cela au second degré. C’est une manière de mettre la pression sur Kabila pour qu’il quitte le pouvoir. Dans le cas contraire, le peuple décidera. Vox populi, vox dei », affirme le professeur.
C’est la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) qui a finalement annoncé les élections présidentielles, législatives et régionales pour le 23 décembre. Elles pourraient donc toutes se tenir le même jour. Pour obtenir l’organisation de scrutin dans le pays depuis 2 ans, l’opposition a organisé plusieurs manifestations parfois violemment réprimées, par le pouvoir. Le principal opposant Moise Katumbi fait quant à lui, l’objet d’au moins trois procédures judiciaires en RDC. Il avait déjà été inculpé de « recrutement de mercenaires et atteinte à la sûreté de l’État » en 2016 avant d’évoquer un problème de santé pour quitter le pays. Ses partisans annoncent un retour en juin prochain. Mais le politologue Eddie Guipié, enseignant-chercheur à l’Université Péléforo Gon de Korhogo, ne pense pas que Joseph Kabila a l’intention de partir.
Une situation en défaveur du peuple congolais
« Le cas du Congo est délicat. C’est un pays qui a connu une guerre depuis 1996. Certains spécialistes ont même parlé de guerre mondiale africaine en ce sens que les belligérants dans ces conflits, ont eu à faire appel à plusieurs pays africains pour combattre sur le théâtre congolais. Aujourd’hui nous sommes dans une situation où la paix prédomine mais le spectre de la guerre demeure. Kabila se prévaut de quelques arguments qui, à mon avis, ne sont pas légitimes pour rester au pouvoir », estime l’enseignant-chercheur.
Il analyse que Kabila prend juste le temps de diviser l’opposition qui ne fait pas front commun.
« Vous avez d’un côté le parti de Félix Antoine Tchilombo Tshisekedi, UDPS qui depuis les années 90, combat le parti unique, le mobutisme. Et d’autres opposants qui sont sortis du PPRD comme Moise Katumbi. Ces partis poursuivent le même but, mais n’ont pas les mêmes stratégies. Une situation qui permet à Joseph Kabila, de trouver des techniques pour se maintenir au pouvoir. J’ai pu lire quelque part qu’il se préparerait à se trouver un successeur, ce serait bien. Mais la situation actuelle est en défaveur du peuple congolais. Que peut faire Katumbi concrètement ? A t-il des relais dans l’armée ? Je ne pense pas. Peut-il mobiliser à Kinshasa comme il le ferait à Lubumbashi ? Rien n’est moins sûr. A mon avis, c’est le pouvoir qui bloque tout. Et pourtant on aurait dû permettre à tous les candidats de se présenter et laisser le soin aux électeurs de choisir leur président. Kabila n’a pas l’intention de partir car il est encore jeune. Ce qui veut dire que tous les scénarios sont envisageables » a analysé l’Universitaire.
L’enjeu des élections en République Démocratique du Congo (RDC), un pays où certaines régions sont le théâtre d’affrontements récurrents entre groupes armés, dépasse les intérêts nationaux. Les exactions commises et les crimes perpétrés dans le Nord Kivu ou le Kasaï ne cessent d’alerter la communauté internationale. Le défi sécuritaire sera donc le chantier du futur président congolais et le 23 décembre s’annonce déjà sous tension. L’écrivain juriste Geoffroy Julien Kouao, recommande l’intervention de la communauté internationale, pour éviter le chaos dans le pays.
« La RDC est pris en otage par les Kabila depuis le départ du pouvoir, de Mobutu. Le peuple congolais a donc soif de changement. Mais l’amateurisme de la classe politique congolaise ne permet pas de faire avancer le jeu démocratique. C’est encore un signe de l’afro pessimisme, qui montre l’incapacité des africains à s’autogérer. N’oubliez pas qu’un accord avait été trouvé l’an passé entre le Clergé catholique, qui est très influent dans le pays et Kabila, sur un calendrier pour l’organisation des élections. Mais jusque là, rien. Il y a même eu une marche de ces religieux qui a été violemment réprimée. A mon humble avis, il faut une intervention de la communauté internationale, pour régler le problème. On pourrait par exemple mettre le pays sous tutelle et exiger de vraies élections. Sinon les conflits dans les différentes régions, pourraient se déporter dans les grandes villes, alors que la RDC occupe une position hautement stratégique en Afrique. La communauté internationale est déjà intervenue dans le passé au Nigéria, pour écarter les principaux acteurs politiques de la course au pouvoir, sous l’égide du Commonwealth afin de rétablir l’État de droit. Cela pourrait encore se faire » a proposé l’homme de droit.
Selon la constitution congolaise, Joseph Kabila, qui a pris le pouvoir à la faveur de l’assassinat de son père en 2001, n’est plus éligible. Il a déjà fait deux mandats. La Commission Électorale Nationale Indépendante, a fixé la date butoir du dépôt des candidatures à la présidentielle de décembre prochain, au mois de juillet. Reste à savoir si Katumbi, pourra rentrer au pays, bien avant cette échéance.
Éric Coulibaly
Source : Rédaction Poleafrique.info