RDR paye-t-il le prix de sa durée dans l’opposition? Le secrétaire général par intérim n’a pas mâché ses mots pour dénoncer les travers de la gestion de son parti, parvenu au pouvoir après des années de lutte. Abandon des militants et réorganisation du Front populaire ivoirien ont été ses maîtres-mots pour la remobilisation de sa troupe qui ne lui fait pas de cadeau.
Ce n’est pas la joie dans les instances de gestion du parti au pouvoir, le RDR d’Alassane Ouattara. La grogne, que nul ne peut nier, a atteint son paroxysme. Le Secrétaire Général par intérim de ce parti, Amadou Soumahoro,1 a poussé son « coup de gueule » samedi 1er avril dernier lors d’un séminaire de réflexion en prélude aux pré-congrès et au congrès qu’attendent les militants et sympathisants pro-Ouattara. Le défi est grand, tant les ardeurs se sont étiolées au fil des années sans que les militants qui ont bravé les différents pouvoirs, de Bédié à Gbagbo en passant par Guéï, pour hisser leur mentor au pouvoir, ne ressentent de changement. Bien au contraire, ils grognent contre leur parti, dont le pouvoir est incompris.
« Est-ce que nous avons été suffisamment solidaires avec la base ? » a interrogé Amadou Soumahoro, face aux cadres de son parti. « C’est à cette question que chacun de nous doit répondre » a-t-il poursuivi.
« Le Président a joué sa partition. En nous nommant, il a placé en nous sa confiance afin que nous puissions à notre tour rétrocéder une partie à la base. Est-ce que nous l’avons fait ? Chaque cadre du parti doit s’interroger. Alassane m’a promu. Mais, est-ce que moi à mon tour, j’ai tendu la main à la base ? » s’est interrogé Amadou Soumahoro.
Au-delà des comportements internes à son parti, il a invité ses militants et sympathisants à tourner le regard vers le FPI, le parti d’opposition pro-Gbagbo qui reprend du poil de la bête.
« Dans le temps, le RDR, c’était du tac au tac. C’est pourquoi, je voudrais vous inviter, chers frères, à suivre les séances du procès qui se déroule à la Cour pénale internationale pour écouter un peu les inepties et les mensonges qui sont distillés par les Généraux de Gbagbo. (…) Je vous invite à suivre ces débats et vous prendriez conscience que ces gens-là n’ont pas changé et qu’ils ne changeront pas » a indiqué le Secrétaire Général par intérim du RDR.
Poursuivant son « réquisitoire » contre le malaise de son parti, « tchomba » (surnom d’Amadou Soumahoro), a soutenu que « ils sont en train de se réorganiser partout dans l’armée, dans l’administration, dans la société civile. »
A qui la faute ?
« Je pense qu’il n’est pas trop tard pour se réveiller. Il s’agit maintenant de prendre des dispositions afin de contrer cette révolution sourde du FPI dans l’administration et la société civile. Oui, je puis affirmer sans l’ombre d’un doute que le RDR subit l’intoxication, la désinformation, la stratégie pernicieuse du FPI. C’est à lui de se mettre en ordre de bataille » recommande El Hadj Mamadou Traoré, cadre militant de Boundiali qui a toujours sonné l’alerte sur la torpeur de son parti. Taxé de trouble-fête et anti-Ouattara, il est rejoint par la voix la plus officielle de son parti.
Joint par Politikafrique.info, le jeune militant de Minignan (777 Km d’Abidjan, Nord-Ouest), Daouda Bakayoko, indique que « Mieux vaut tard que jamais. Espérons que ce soit un vrai réveil et non l’effet de secousses de rêve. Nous avons besoin de mieux nous organiser au sein de notre parti. Mais, cela ne peut être possible que lorsque la tête, c’est-à-dire la direction en juge de l’opportunité. Notre RDR est le seul parti au monde qui est parvenu au pouvoir d’État en laissant ses militants dans l’opposition » dénonce-t-il.
A l’Ouest, de Biankouma, M. Diomandé, responsable départemental CTE du RDR est amer. « Nous risquons d’être les fossoyeurs de notre parti. Il y a plus de pro-ADO mais pas de Républicains tant nous avons été oubliés par nos responsables promus. Les prêts, inexistants pour nos militants de base, promotion des cadres, rien ou ceux qui sont promus se détournent des activités du parti. Les militants du FPI vont et payent des concours sous notre pouvoir, sont admis et reviennent nous assujettir, nos enfants échouent aux concours. Alassane Ouattara se retire en 2020, c’est la mort du RDR » fustige-t-il.
Samuel Konan, militant de base RDR de Didiévi assure que « Amadou Soumahoro ne parle pas de façon fortuite. Effectivement le FPI s’organise pour la reconquête du pouvoir. Cette réorganisation est bien visible au niveau des deux tendances. AFFI prépare un congrès en Août prochain, les jeunes du FPI se sont organisés en assemblée générale samedi dernier. Du côté des GOR (Gbagbo ou Rien), on a vu une tournée de remobilisation des troupes organisée par Abou Drahamane Sangaré à l’ouest. Les jeunes aussi avec à leur tête Abraham Diéti, multiplient les rencontres un peu partout sur le territoire national. Ils ont même commencé par une opération de nettoyage du domicile du président déchu à Mama, certainement qu’ils préparent son retour. Illusion ou pas, ils sont dans leur logique. Il faut tout de même comprendre qu’une organisation conséquente est en cours » reconnaît le jeune militant pro-ADO.
Plus acerbe, Inza Fofana, ex-commissaire politique à Mankono qui estime que la sortie d’Amadou Soumahoro est « de la foutaise ». « Pour moi, c’est de la foutaise, il ne faut pas attendre que l’adversaire se relève avant de remobiliser ses troupes. Le RDR a permis au FPI de renaître, et nombreux sont les frustrés, découragés. Peut-être que c’est la peur de voir le PDCI qui les a brimés revenir au pouvoir qui leur fait peur et les pousse à lancer un appel à la mobilisation. »
De Divo, Koné Jack n’est non plus pas tendre avec la direction de son parti. Il estime que cette sortie du Sgi est « Un aveu de culpabilité, pis, c’est de l’impuissance, de l’échec et de la lâcheté. »
« Nous, militants de base à l’intérieur du pays, constatons effectivement que les opposants s’organisent et c’est surtout les responsables RDR qui font le lit en voulant régler le compte aux anciens militants », témoigne pour sa part M.Soumahoro, un des responsables locaux du parti au pouvoir à Danané.
Le congrès du RDR annoncé pour Mai prochain, après les pré-congrès ce mois d’Avril, promet d’être assez orageux.
Adam’s Régis SOUAGA
Source : rédaction politikafrique.info