La recette a marché au Rwanda et selon Mukabalisa Bonatile, la présidente de la chambre des députés de ce pays, elle peut aussi avoir de bons résultats en Côte d’Ivoire qui souhaite devenir une nation réconciliée. Invitée spéciale de la cérémonie d’ouverture solennelle de la deuxième session parlementaire de la IIIème République de Côte d’Ivoire, ce mardi 03 mars, la cheffe des députés du Rwanda a partagé avec ses collègues ivoiriens l’expérience de son pays sur les méthodes qui les ont aidées à surmonter l’épreuve du génocide.
« Comme vous savez tous, notre pays a connu une horrible histoire, très douloureuse, caractérisée par la mauvaise gouvernance des régimes politiques divisionnistes qui avaient institutionnalisée les divisions et les haines. Ce qui a culminé au génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. Ce génocide qui a causé plus d’un million de pertes en vies humaines en seulement 100 jours, a laissé le pays complètement détruit, une population traumatisée. Les rescapés du génocide ayant des blessures physiques et psychologiques. La majorité étant des orphelins et des veuves qui avaient d’ailleurs été doublement touchés par le génocide. D’une part parce qu’elles étaient Tutsis, et d’autre parts parce qu’elles étaient femmes, avec toutes les atrocités qu’elles ont subies, que je ne vais pas citer ici », a situé d’entrée Mukabalisa Bonatile.
A en croire la parlementaire rwandaise, au lendemain de cette page sombre dans l’histoire de ce pays, « il était impensable de demander aux victimes du génocide de pardonner et vivre au jour le jour côte à côte et travailler ensemble avec ceux qui ont exterminé les leurs ». Une situation qui colle avec celle vécue par la Côte d’Ivoire pendant et après la crise postélectorale de 2010-2011 qui a occasionné un peu plus de 3000 morts selon les organisations internationales.
Pourtant, l’invitée du parlement ivoirien fait savoir que son pays a puisé en lui des ressources propres pour tourner la page, quoi que reconnait-elle, ce chemin fut « très épineux et délicat et demandait de faire des sacrifices énormes par les dirigeants et la population toute entière ».
« Après ce génocide, le peuple du Rwanda a pris le chemin de la réconciliation et de l’unité et non celui de la vengeance qui ne pouvait pas résoudre les problèmes que nous avions, mais plutôt pouvait en créer d’autres. Nous avons choisi de rester ensemble, unis pour essayer de refermer les plaies du génocide et mettre fin à la haine et aux divisions, rétablir la paix et la sécurité. Il fallait absolument vivre puisqu’il n’y avait pas d’autre choix. Et travailler ensemble pour avancer et construire l’avenir en étant optimiste. Prendre la responsabilité de nous assumer nous-mêmes pour être un grand pays, idéologiquement, et avoir de grandes idées et ouvrir des horizons. Ces choix nous ont évité le scénario de l’Etat en faillite », raconte-elle non sans indiquer qu’il s’est agi pour eux, de mettre de côté ce qui pouvait les diviser, les séparer pour privilégier ce qui les unit, à savoir le Rwanda.
Pour y arriver, poursuit Mukabalisa Bonatile, le pays du président Paul Kagamé a choisi l’option de réformes profondes. Il a été entre autres, question de mettre sur pied des mécanismes et des actions concrètes qui instituent l’inclusion, la transparence et la lutte contre la corruption la gestion des affaires publiques. Le Rwanda a aussi mis sur pied des juridictions qui ont contribué au processus de réconciliation pour connaître la vérité sur cette page sombre de leur histoire. Notamment la création d’un comité de réconciliation qui essaie de s’occuper des différends entre les populations pour désengorger le système de la justice classique. Mais également l’institution chaque année ce qu’appelle Mukabalisa Bonatile « le dialogue national qui est présidé par son excellence le président de la République lui-même. Et auquel participent tous les dirigeants du pays et qui donnent accès à tous les citoyens qu’ils soient au Rwanda ou à l’extérieur, et qui donnent librement leurs idées tout en proposant des solutions pour des choses qui doivent être améliorées ».
Par ailleurs ajoute la cheffe du parlement rwandais, il est instauré chaque année « la contrainte du dirigeant, où tous les dirigeants du pays s’examinent et voient si ce qu’ils ont fait, à renforcer les liens dans la société, voir si les objectifs qu’ils se fixent chaque année sont atteints. »
« Si tout cela a été possible dans notre pays avec tout ce que nous avons connu, je pense que c’est possible ailleurs », conclu Mukabalisa Bonatile.
Richard Yasseu
Source : rédaction Poleafrique.info