Laurent Gbagbo est en Côte d’Ivoire. Depuis l’après-midi du jeudi 17 juin comme annoncé, l’ancien président ivoirien a regagné son pays, mais dans une ambiance tendue. Retour sur une journée mouvementée, mais aussi pleine d’émotions.
Boulevard Valéry Giscard d’Estaing, entre le grand carrefour de Koumassi et celui du monument « Akwaba » dans la commune de Port-Bouët au sud d’Abidjan. À pied et vêtus de T-shirts ou de pagnes à l’effigie de Laurent Gbagbo et brandissant des pancartes avec des slogans favorables à l’ancien chef d’État, des milliers de personnes convergent vers l’aéroport Félix Houphouët-Boigny. Objectif, être témoin oculaire de la descente de l’avion de l’ancien président qui revient au pays ce jeudi 17 juin 2021, après dix années d’absence.
Des affrontements entre forces de l’ordre et partisans de Laurent Gbagbo
Ce but, ils ne l’atteindront pas. Les partisans de Laurent Gbagbo vont se heurter à des agents des forces de l’ordre qui ont des instructions fermes. Celles de disperser tout attroupement sur la voie publique et dans le périmètre de l’aéroport. L’engagement des uns (les partisans) et des autres (les forces de l’ordre) fait monter l’adrénaline. Des grenades de gaz lacrymogène sont lancées. C’est la débandade. On essaie de se protéger les yeux comme on peut. Certains se badigeonnent le visage avec de la poudre. « C’est l’antidote contre le gaz lacrymogène », fait savoir un partisan qui a les yeux bouffis. Débutent alors des courses-poursuites.
Dans des ruelles de la commune de Port-Bouët qui abrite l’espace aéroportuaire, les partisans de l’ancien chef d’État répliquent. Certains rejettent les projectiles de gaz lacrymogène sur les agents de police et de la gendarmerie, déployés pour la circonstance, quand d’autres optent pour des jets de pierres. Le trafic routier en pâtit. Un embouteillage se forme sur le tronçon entre le carrefour ancien Koumassi et le carrefour Akwaba. Des rues des quartiers intérieurs de Port-Bouët se vident de monde et d’automobilistes.
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Dans d’autres communes d’Abidjan, notamment à Yopougon, des affrontements sont signalés entre sympathisants du Front populaire ivoirien (FPI) et des jeunes des sous-quartiers Wassakara. Des actes de vandalisme sont aussi signalés sur l’axe Yopougon-Adjamé où un véhicule de transport est pris à partie.
Dans la commune de Cocody précisément au quartier Attoban, c’est plutôt de la joie chez les centaines de partisans de Laurent Gbagbo qui se sont rassemblés à l’ex-quartier général de campagne pour attendre l’arrivée de leur mentor.
Des dysfonctionnements à l’aéroport
À l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, il est presque 12h. L’heure de l’arrivée de l’avion qui ramène Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire approche. Mais pas grand-chose n’est prêt. Juste quatre bâches sont installées sur l’esplanade du pavillon présidentiel alloué pour l’occasion par la présidence ivoirienne. Des invités sont déjà là par contre et ont pris place sur les chaises disposées à cet effet. Parmi eux des chefs traditionnels et la diva de la musique ivoirienne Aïcha Koné. Dans un coin de l’esplanade, des journalistes sont assis, visiblement éprouvés pour certains par la captation des images durant les affrontements en début de matinée, et pour d’autres, par la longue attente de l’avion.
L’on s’occupe comme on peut. Bougeant dans tous les sens et avec un téléphone scotché aux oreilles, Koné Katinan le responsable de la commission communication du comité d’accueil de Laurent Gbagbo réfléchit à trouver des solutions pour les derniers réglages.
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Peu avant 13h, des membres du protocole d’État arrivent sur le site. C’est avec eux que le salon VIP du pavillon présidentiel est ouvert. Par la même occasion, l’accès à l’alimentation électrique est donné. Dans la foulée, une annonce du comité d’organisation indique que depuis le début de la journée, ce sont une quarantaine de personnes qui sont interpellées. Il est maintenant 15h. À mesure qu’approche l’heure de l’arrivée de l’avion finalement annoncé à 16h, depuis l’aéroport, de très fortes détonations d’armes se font entendre non dans la commune de Port-Bouët. Des odeurs de gaz lacrymogène lancé sur des partisans qui tentaient de forcer l’entrée de l’aéroport sont transportées par le vent jusqu’à l’esplanade du pavillon. Koné Katinan fait savoir à la presse son inquiétude quant à la sécurité de l’ancien chef d’État.
Gbagbo dribble le salon VIP du pavillon présidentiel
À 16h, l’appareil en provenance de Bruxelles est en vue. C’est l’excitation. Partout on entend des cris de joie. De l’émotion se lit sur des visages tournés vers l’avion qui vient d’atterrir. On se congratule. L’excitation est à son paroxysme lorsque des mouvements s’aperçoivent au niveau de l’escalier qui donne sur le petit salon du pavillon. De fait, Laurent Gbagbo ne passe pas par le salon VIP contrairement à ce qui était prévu. On se bouscule pour avoir le meilleur angle de vue. D’autres vont même jusqu’à faire des selfies dans cette bousculade. Toujours sous les bruits des détonations.
Richard Yasseu, envoyé spécial à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny