C’était à la une de tous les journaux. Le temps semble s’être arrêté tant la mobilisation autour du décès d’El Hadj Anliou Bakayoko fut forte et apparemment unanime. Le père du ministre d’Etat, ministre de la Défense Hamed Bakayoko est décédé jeudi 8 novembre dernier à Paris où il était hospitalisé. Son corps a été inhumé ce vendredi 16 novembre à Séguéla, son village natal. Dès l’arrivée du corps du défunt mercredi 14 novembre à l’aéroport Félix Houphouët Boigny jusqu’au dernier jour du deuil, dimanche, à la grande mosquée de la Riviera, la semaine dernière a donc été nettement marquée par cet événement, sacré et politique à la fois.
Du funérarium parisien de la rue des Batignoles à Abidjan, Hambak reçoit réconfort et condoléances en la mémoire de son père qui s’est éteint dans sa 83ème année. Fraternité matin rappelle cela dans son édition du 14-15 novembre 2018. « Amadou Gon Coulibaly et Dominique Ouattara ont apporté leur soutien à Hamed Bakayoko à la levée du corps à Paris. Où étaient également présents les Présidents Alpha Condé de la Guinée et Ibrahim Boubacar Keïta du Mali ». Au même moment, à Abidjan, la maison de feu Anliou Bakayoko est le théâtre de condoléances qui rythment la journée de la famille. Une famille soutenue par tous. Et partout dans le monde.
À l’accueil solennel répond l’écho d’unité politique et citoyenne, lors de l’arrivée du ministre de la Défense mercredi à l’aéroport avec le corps de son père.
Le Patriote du jeudi 15 novembre parle d’un accueil de la Nation, représentée par tous les corps de la société « les ministres, les élus de tous bords politiques, les responsables politiques, les imams, les amis de la famille… ». Le quotidien parle d’une « Mobilisation de la République ». Cette dernière incarnée par le Président de la République Alassane Ouattara. Le Nouveau réveil abonde en ce sens en titrant en Une : « Hommage de la nation au père de Hamed Bakayoko ». L’article intitulé « Le monde entier compatit à la douleur de la famille Bakayoko » n’en est pas moins révélateur. Étaient présents pour les condoléances des chefs traditionnels, des membres du gouvernement, des anciens présidents comme le burkinabé Blaise Compaoré ou d’autres encore en fonction. Tous viennent dire « yako » au ministre de la Défense.
L’unité autour de l’événement dépasse les frontières sociales et le cercle des dirigeants politiques africains. Le Nouveau Réveil parle de « délégations venues d’Europe, du Qatar et d’Asie », lorsque Le Patriote précise la venue de délégations de plus de quinze pays étrangers. Parmi eux la France et la Belgique mais encore du Mali, du Gabon et de la Guinée Conakry. Fraternité matin relève que lors de la cérémonie de la levée du corps « plusieurs centaines de personnes issues de toutes les couches sociales et socio professionnelles » étaient venues entourer le maire d’Abobo. Un rassemblement populaire qui culmine à son acmé lors du dernier jour du deuil. C’est Le Patriote qui révèle que l’esplanade de la Grande mosquée de la Riviera était pleine ce dimanche, et que les services de sécurité avaient « refusé du monde ».
La seule tâche sur le tableau venant troubler le paisible temps du deuil est rapportée par le site d’information en ligne « Afrique sur 7 » qui titre froidement : « Abus : Hamed Bakayoko prend un cargo militaire pour un corbillard ». Le rédacteur relate comment la dépouille du défunt a été transférée d’Abidjan à Séguéla. « Hamed Bakayoko a confondu bien public et personnel en utilisant un avion militaire pour le transport (de son père) à sa dernière demeure. Le bien public reste le bien public et n’a pas vocation à être utilisé pour un intérêt personnel. Aucune autorité n’est au-dessus des citoyens lambdas ».
Du côté des journaux « bleus », le quotidien Notre Voie ne fait mot dans son édition du vendredi 16 novembre sur les événements passés dans la semaine. Pas un mot pour le défunt père du ministre de la Défense, mais sur le décès d’Aboudramane Sangaré, opposant de Ouattara, membre fondateur du Front Populaire Ivoirien (FPI) qu’il dirigeait par intérim depuis l’emprisonnement de Laurent Gbagbo.
Mais les chiffres et les images veulent dire beaucoup plus que ce qu’ils ne nous laissent voir. Qui était-on venu célébrer ? À travers le décès de son père, c’est avant tout autour de Hamed Bakayoko que les Ivoiriens étaient venus se rassembler. Et non n’importe quel Hamed Bakayoko, mais l’homme politique, qui aura réussi, le temps d’une semaine, à réunir politiques et citoyens, Ivoiriens, Africains et étrangers, en la mémoire de son père.
Une sélection de Victor Merat, stagiaire
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