Tel est pris qui croyait prendre. La semaine écoulée a connu un événement spectaculaire en Côte d’Ivoire, assez peu commenté : l’acquittement par une cour d’Assises de la Cour d’Appel d’Abidjan-Plateau, de Simone Ehivet GBAGBO, ex-première dame de Côte d’Ivoire et compagnon de lutte de Laurent Gbagbo. Elle était poursuivie pour crime contre l’humanité et crime de guerre.
Simone acquittée.
La surprise est générale. Au Front populaire ivoirien (FPI), aujourd’hui scindé en deux tendances, on accueille la nouvelle avec tiédeur, c’est un euphémisme.
Sa défense, elle, qui avait boycotté les dernières audiences, prise de court, en est restée sans voix. Dans la semaine précédant la décision de la cour d’assise, Me Habiba Touré, le glaive à la main, sonnait la charge contre le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Sansan Kambilé, réclamant sa démission. Le crime du ministre? Avoir invité cette défense à rejoindre le prétoire et utiliser les procédures d’appel à sa disposition plutôt que vociférer en conférence de presse. Au gouvernement, la modération de la réaction marque aussi la surprise et cache, sans nul doute, une certaine satisfaction. Seul le tonitruant et burlesque Dadjé Rodrigue a salué « l’indépendance » de la justice ivoirienne. Indépendance, le mot est lâché. Le système judiciaire, qualifiée depuis 2011 par l’opposition de « justice des vainqueurs », a en effet fait preuve d’indépendance en se prononçant sur le cas Simone Gbagbo. Concrètement, un jury populaire n’a pas été convaincu par les preuves avancées par le procureur et la partie civile, pour qualifier juridiquement les charges reprochées à madame Gbagbo, présentée par l’accusation en véritable « chef de guerre ». Ce faisant la justice ivoirienne a coupé l’herbe sous le pied à toute critique d’ordre politique et, il faut bien le dire, c’est un coup de maître. Qui aujourd’hui viendra critiquer cette justice autrement que sur ses travers biens connus : (dés)organisation, manque de célérité, corruption, etc? Mais de « justice des vainqueurs », « justice politique » ou « justice à la botte », il pourra difficilement en être à nouveau question. Les contempteurs du Président Ouattara devront trouver un autre angle d’attaque. On leur fait confiance.
« Justice des vainqueurs » est en effet, depuis la fin de la crise postélectorale le 11 avril 2011 l’arrestation de Laurent Gbagbo, le qualificatif collé par ses partisans à la Justice ivoirienne. Pourtant, depuis Nuremberg en 1945, chacun sait qu’il n’y a jamais eu, et il n’y aura jamais, de justice de vaincus. L’essentiel est que la justice passe. Les victimes ne pourraient pas comprendre qu’il en soit autrement. Elles ont d’ailleurs manifesté leur incrédulité à l’issue du procès de Simone Gbagbo. On peut les comprendre. Mais c’est ainsi. Justice est faite. La réconciliation vraie passe par là. Place maintenant au temps politique, qui attendait son tour. Et aux initiatives du pouvoir dont on pressent -on espère- qu’elles pourraient être spectaculaires.
Philippe DI NACERA
Directeur de publication