Sipilou, dernier département ivoirien à la frontière avec la Guinée par Biankouma. La vie suit son cours, comme partout ailleurs, sans un cas confirmé au coronavirus, Covid-19 mais avec la hantise et ses effets sur la population et la vie sociale et économique.
7info a fait une incursion dans la cité. Selon les habitants, la situation devient de plus en plus difficile. Tout manque sur le marché qui n’existe pratiquement plus depuis la fermeture des frontières et surtout l’isolement du grand Abidjan. Ils appellent à l’aide.
Après un voyage périlleux de plus de 4 heures de temps, nous parvenons à Sipilou. Gare routière et marché, d’ordinaire bruyants, sont déserts. Deux véhicules attendent d’hypothétiques passagers. Les chauffeurs sont dans la nature. Les apprentis, avec des regards de loups affamés sont assis sur les bancs d’un kiosque visiblement fermé.
Approché, l’un des apprentis expose les difficultés auxquelles ils sont confrontés depuis le début de cette pandémie. <<Habituellement, nous chargeons chaque jour et revenons le lendemain. Mais depuis que cette sale maladie là est venue, c’est la galère totale. Nous qui prenons souvent 22 personnes dans notre véhicule. On nous demande de prendre au moins 16 personnes. Mais pour avoir ces 16 personnes, il faut attendre pratiquement toute la journée et même souvent deux jours. Les gens ne voyagent plus. Ici à Sipilou, ce sont les vendeuses qui font notre affaire. Mais si elles n’ont plus la possibilité de se rendre à Abidjan pour envoyer les marchandises, tout s’arrête. Et c’est le cas. C’est dur. Que les choses avancent vite pour que la vie reprenne>>, souhaite Diomandé Beko, apprenti chauffeur.
Dans le marché clairsemé, une dame vend des légumes. Elle dit le faire par contrainte à cause de l’isolement du grand Abidjan. <<Je vends depuis des années du poisson. Je vais à Abobodoumé, à Abidjan et j’achète du poisson fumé que je viens revendre à Sipilou. C’est un business juteux qui me rapporte un peu d’argent que je prends pour épauler mon mari. Avec la crise que nous traversons, je ne peux plus me rendre à Abidjan pour les achats de poisson. J’ai décidé de ne pas m’asseoir, faire le commerce de vivriers. Je prends des aubergines, du piment et bien d’autres choses. Mais, sincèrement c’est à perte. Je suis en train de perdre. Ici c’est une zone où le poisson marche beaucoup. Cette crise nous fatigue. Nous prions Dieu d’intervenir sinon les jours à venir seront graves pour nous ici>>, martèle Dame Boué.
L’une des grandes victimes de cette pandémie dans le département de Sipilou, c’est bien les jeunes. Gérants de kiosques, chauffeurs de taxi-moto et autres petits commerces, la jeunesse de Sipilou, hormis les agriculteurs, est oisive en ces temps.
<<Sur le plan santé et civisme, la jeunesse de Sipilou se porte bien. Mais sur le plan économique, la jeunesse est malade. Toutes nos activités sont arrêtées, à cause du Covid-19. Nos kiosques, nos motos, tout est arrêté. Les motos ne circulent plus parce que les frontières sont fermées. Nous ne savons plus quoi faire. Vivement que l’État pense aux jeunes qui sont en train de perdre tout présentement>>, invite Keffa Diomandé, président départemental du CNJCI. A Sipilou, selon le préfet Djiba Koné, les mesures gouvernementales sont respectées à 90%. Tout de même la sensibilisation continue avec le corps préfectoral, les FACI et toute la population. Si la sensibilisation continue avec l’adoption des mesures barrières par la population, quelques difficultés subsistent à l’hôpital général, selon le directeur dudit centre. <<Nous sommes un nouvel hôpital général. Comme partout ailleurs, les hôpitaux ont des problèmes. Ici nous manquons de ressources humaines. Nous n’avons pas de médecin, de préparateur en pharmacie et d’ambulance. Notre plus grande difficulté c’est la route. Il faut vraiment que notre hiérarchie pense à nous. Nous disposons de deux salles pour d’éventuels cas suspects. Il faut vraiment des hommes pour répondre vigoureusement en cas de besoin, à cause de notre position géographique>>, souhaite Dr Diéket-Aby Christophe.
Avant que cet appel du lointain Sipilou ne parvienne à Abidjan, au Dr Eugène Aka Aouélé et à son cabinet, le corps médical fait avec les moyens, se réfugiant dans la prière pour ne pas avoir de cas suspect.
C’est justement pour éviter cette situation que le commandant du BSO, le Colonel Soro Dramane a opté pour une évaluation personnelle du dispositif sur place.
Sipilou, comme toutes les autres localités du pays, prie pour une levée, même partielle de l’isolement d’Abidjan afin que son économie reprenne de l’oxygène.
Olivier Dan, Correspondant Ouest envoyé spécial à Sipilou
7info.ci