Il faut reconnaître que la semaine qui s’ouvre, inquiète les Ivoiriens.
Cette inquiétude se manifeste diversement : la facilité de circulation dans Abidjan, tant les gens se terrent chez eux et la prise d’assaut des marchés et supermarchés pour constituer des réserves de provisions.
Elle a une cause : la litanie des questions auxquelles nous sommes impuissants à trouver des réponses.
Ce week-end le président Ouattara s’est agacé contre l’opposition dans la presse française. Deux grands journaux, Le Monde et le Journal Du Dimanche ont recueilli les confidences du Chef de l’Etat. Il y accuse son opposition de chercher l’insurrection populaire ou le coup d’Etat pour éviter que ne soit organisé le scrutin du 31 octobre. Il y promet la prison pour Guillaume Soro, le retour de Laurent Gbagbo, après le scrutin, selon des modalités encore à définir, et les foudres de la justice pour ceux qui auront commis des actes délictueux dans cette période.
Le président confirme les ouvertures qu’il a faites à la suite des recommandations énoncées par la mission de la CEDEAO pour apaiser les tensions : concession sur la commission électorale indépendante, en offrant un poste supplémentaire et la vice-présidence au PDCI, Proposition d’une rencontre directe à Henri Konan Bédié.
Ces propositions qui auraient pu débloquer les choses, pourquoi sont-elles venues si tard ?
À une semaine du scrutin, pourquoi l’opposition, qui n’a pas fait campagne, accepterait-elle ce qui, à coup sûr, lui ferait perdre toutes ses plumes ?
Dans ses interviews, le président donne enfin l’explication que tout le monde attendait sur sa décision de se représenter après le décès brutal de son dauphin désigné au sein RHDP, Amadou Gon Coulibaly : il y dit en toute franchise que s’il ne s’était pas personnellement engagé, il estime que son parti aurait « explosé », et Henri Konan Bédié aurait remporté la présidentielle. Deux choses inacceptables à ses yeux. D’où cette idée qu’il a sacrifié aux appels de son parti pour le sauver ainsi que le pays. Au-delà du débat constitutionnel sur la IIIème République et sur la légalité de sa candidature, tout le monde aurait pu comprendre et peut-être admettre, cette explication honnête, liée à un cas de force majeure. Mais là encore, pourquoi celle-ci vient-elle trop tard pour être acceptée par ceux qui contestent la candidature de ADO ?
L’opposition a appelé maintes fois au dialogue. Pourquoi refuse-t-elle de s’emparer de ce qu’elle a ardemment appelé de ses vœux ?
Pourquoi rejette-t-elle l’évolution de la Commission Électorale Indépendante et pourquoi refuse-t-elle la rencontre HKB/ADO, enfin proposée ?
Pourquoi l’opposition n’accepte -t-elle pas ces propositions directement issues de la mission de la délégation de la CEDEAO, la semaine dernière, alors que dans le même temps, elle exige que le dialogue se développe au sein d’un « cadre neutre » sous l’égide de cette même CEDEAO ?
Pourquoi Monsieur Affi N’Guessan proclame-t-il par avance que le résultat du 31 octobre ne sera pas reconnu par l’opposition ?
Pourquoi Henri Konan Bédié et les plus éminents membres du PDCI ne taisent-ils, s’enferment-ils dans un silence assourdissant et inquiétant ?
Pourquoi ceux qui refusent de participer à un scrutin dont ils contestent la transparence, annoncent-ils également qu’ils veulent l’empêcher d’avoir lieu, dans le cadre d’un « boycott actif » ?
Pourquoi Guillaume Soro s’égosille-t-il tous les jours depuis la France pour affirmer, de manière péremptoire, qu’il « n’y aura pas de scrutin le 31 octobre prochain » et « qu’Alassane Ouattara ne sera pas le prochain président de la République » ? De quelles informations dispose -t-il que nous ne possédons pas? De quelles assurances? De qui? Quel coup nous prépare -t-il?
Cette litanie des « pourquoi », cette liste de questions et d’incertitudes, expliquent l’état d’esprit d’inquiétude qui règne chez les Ivoiriens.
Des initiatives pour la Paix, il y a en eu de nombreuses depuis plusieurs semaines, d’origines diverses : organisations de la société civile, intellectuels, patrons de presse, opérateurs économiques, hommes de Dieu, organisations supra-nationales (CEDEAO, UA, ONU)…. Elles ont toutes eu le même effet sur notre personnel politique qu’autant de pansements sur une jambe de bois.
Du dangereux jeu du chat et de la souris auquel s’adonne actuellement majorité et opposition, rien de bon ne peut sortir. Si ce n’est toujours plus d’inquiétude et d’angoisse, de peur et peut-être, hélas, d’affrontements.
S’ouvre, pour nous tous, une semaine importante, peut-être dangereuse. Avec nos provisions, la tête dans les épaules, il nous reste à attendre, voir et espérer.
Philippe Di Nacera
7info