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Soldats Canada dry / Philippe Di Nacera

Mis à jour le 4 mars 2021
Publié le 16/05/2017 à 1:18

En Côte d’Ivoire la saison des mutins est de retour. Mais, la situation semble aujourd’hui plus dangereuse encore. Cette fois, une logique d’affrontement s’est en effet installée. D’un côté un gouvernement qui se montre ferme, s’en tenant à l’accord de « renonciation » des mutins, devant le chef de l’Etat, aux paiements leurs restants dus, exigeant leur retour dans les casernes et mobilisant des forces militaires pour les y contraindre. De l’autre des mutins qui, comprenant qu’ils ne toucheront pas l’argent qu’ils réclament et qu’ils seront durement sanctionnés, s’enferment dans une posture jusqu’au-boutiste. Durant la journée de lundi la tension fut lourde. Les ivoiriens, calfeutrés chez eux, cherchaient de toute part des informations. Les banques, les écoles, les commerces, fermés, donnaient des allures de villes mortes à Abidjan ou Bouaké.

Disons-le sans ambages, cette situation est une honte. Dans la République, l’armée est soumise à l’autorité civile. Ces garçons qui osent manifester hors des casernes, une Kalach à la main, contre un pouvoir d’Etat légitime, qui terrorisent toute une population, qui mettent un pays entier à l’arrêt, ne sont pas dignes de porter le beau nom de « soldats ». Certes, ils ressemblent à des soldats, sont habillés et armés comme des soldats, mais ce ne sont pas des soldats. Ils n’en ont pas les qualités. Ni humaines, ni celles liées à la grandeur de la mission qui leur est confiée. La discipline? Connais pas! L’obéissance à la hiérarchie? Secondaire! Le service à la nation? Quel service? Pour ces militaires « Canada dry », l’essentiel réside dans leur propre intérêt. On pensait pourtant qu’ils s’étaient battus pour une cause, avant d’être intégrés à l’armée. Erreur. Ils n’étaient que des mercenaires. Le pays fait face à un cruel manque de liquidités suite à la chute du prix du cacao sur les marchés internationaux. C’est mathématique, la Côte d’Ivoire, leur mère partie, n’a pas les moyens de verser des sommes qu’elle ne conteste pas mais dont elle ne dispose tout simplement pas. Veulent-ils comprendre cela? Le peuvent-ils seulement? Manifestement, non. Et pendant cela la Côte d’Ivoire perd son prestige à vitesse à grand V et obère son développement.

Comment en est-on arrivé à une gestion si désastreuse d’un fait si mathématique?
Comment a -t- on pu mettre le Chef de l’Etat dans la désagréable situation de signer la journée un accord avec de soi-disant leaders représentatifs des soldats concernés et se voir le soir-même déjugé par la reprise des mutineries? Comment ont été sélectionnés ceux qui se sont présentés au Président? Qui a vérifié leur représentativité? Comment s’est-on assuré que le gros de la troupe des 8400 était en phase avec la renonciation du paiement du solde des 7 millions dus? Qui souffle sur les braises? Enfin, que contient « l’accord de sortie de crise » annoncé par le Ministre délégué à la Défense, après qu’on a expliqué que les caisses de l’Etat sont vides?

Je n’ai aucune réponse à ces questions que de nombreux ivoiriens se posent. À ce stade, seules les questions subsistes.

Crédit photo: AFP, par Patrick F.

Philippe Di Nacera
Directeur de la publication

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