Les bus de la société des transports abidjanais (SOTRA) se font de plus en plus rares dans la circulation abidjanaise. Comment les utilisateurs de ce moyen de transport se déplacent-ils ? Politikafrique.info a effectué le difficile voyage.
9h45 min, Politikafrique.info arrive ce 14 février à la gare sud de la SOTRA dans la commune du Plateau. Un silence de cimetière y règne contrairement à l’animation qu’on pouvait y voir il y a quelques mois auparavant. Au fond de la gare deux bus sont stationnés.
Maïmouna Touré, vendeuse de pagnes se trouve au quai 07. Elle réside à Biétry et attend les bus 29 ou 06 qu’elle emprunte lorsqu’elle vient prendre sa marchandise à la rue du commerce pour rentrer chez elle. « En ce moment, il n’y a pas de bus .J’attends depuis 7h30.» Evoquant des soucis financiers, elle explique qu’habituellement quand le bus tarde, ses camarades et elle, prennent un taxi et partagent la facture mais étant seule ce jour, elle est donc obligée d’attendre « je ne sais pas comment faire pour me rendre à la maison ».
Pas loin de là, au quai 10 Maurice Kodjo sur un ton colérique lance à politikafrique.info « ce n’est pas la première fois que cela arrive, c’est tous les jours de la semaine. Je pense que la SOTRA n’existe plus que de nom. » Il est en quête d’emploi et tient en main une grosse chemise à rabat. Il est là depuis 8h et est en partance pour la commune d’Abobo. Un peu énervé, il explique qu’il va devoir aller prendre un taxi intercommunal (woro woro) à 600 FCFA pour se rendre dans la commune d’Abobo, ensuite en prendre un autre à 200 FCFA qui l’enverra à destination. Ce qui lui reviendra à 800 FCFA. « Alors qu’avec le bus, je paie 200 FCFA et l’arrêt se trouve dans mon quartier ». Il décide d’y aller mais indique une personne à un autre quai « ce monsieur dit être là depuis 2h avant moi » indique-t-il.
Ce dernier, c’est Moussa Ballo qui attend le « 20 » pour se rendre du côté de la prison civile à Yopougon. Il confirme être présent depuis effectivement 2h. Il veut emprunter le bus pour la première fois. « Je faisais des courses au plateau et j’ai voulu prendre le bus pour aller vite au lieu de prendre un gbaka ou taxi intercommunaux mais je suis déçu » soutient-il.
Kouassi Euloge est le seul étudiant en tenue que l’on a pu rencontrer. Il étudie la finance à CEFIAT au plateau. Il traversait cette gare d’un pas pressant montrant qu’il n’avait pas l’intention de s’y arrêter. Interrogé par politikafrique.info, il explique qu’il est résident de Koumassi et n’emprunte le bus qu’à la descente des cours.
« Je vais à l’arrêt de Treichville à pieds pour prendre le « 11 » c’est plus rapide. Sinon ici on peut attendre plusieurs heures » fait-il savoir.
Un peu plus loin, où se trouvent les caisses, sur 5, 2 sont ouvertes. Les 3 autres montrent clairement qu’elles ne sont pas utilisées depuis belle lurette car recouverte par plusieurs couches de poussière.
Pendant les 15 minutes passées aux guichets, un seul client a acheté un ticket. Interrogé, il explique que c’est un ticket pour le bateau bus qu’il préfère d’ailleurs pour se rendre à Koumassi « c’est plus rapide. Pour le bus on attend trop » soutient-il.
Politikafrique.info dans la peau d’un usager en partance de Biétry interroge la caissière sur l’objet du retard du bus « 29 ».
« Il vient de la gare nord, attendez il va passer » quand on lui fait savoir qu’on attend ce bus depuis 2h, elle serre le visage et feint de ne plus entendre les autres questions.
Durant une heure passée à cette gare, il n’y a eu aucun mouvement de bus. L’un des deux qui étaient en stationnement a démarré en laissant un nuage noir derrière lui. Interrogé sur sa destination, un agent de la SOTRA répond qu’« il est en panne, il va au garage. » Quant à l’absence de bus sur cette gare, il nous conseille d’utiliser un autre moyen de transport « pour être honnête avec vous, il n’y a pas de bus » murmure-t-il à politikafrique.info.
Gare nord, gare d’Attécoubé, gare lagunaire, gare de la cité administrative, le constat est pareil, point de bus dans les arrêts et gares.
Les bus sont quasiment inexistants dans les arrêts de bus et grandes gares où on pouvait les trouver. Un habitant de Yopougon a déclaré ne plus avoir de souvenir de la dernière fois où il a vu le « 27 », bus partant du Plateau pour Niangon Sud, où il réside. » Pour dire combien de fois ces bus sont très rares » insiste-t-il.
A l’arrêt de SOTRA des 220 logements, aucun bus à l’horizon. Les gbakas mini cars de transport en commun qui étaient interdits de stationnement devant l’arrêt ont finalement pris la place des bus à l’intérieur de l’arrêt.
Le chargé de communication de la SOTRA, Gnamien Théophile avait confié en fin d’année 2016 à politikafrique.info l’arrivée 500 bus pour le renouvellement de son parc auto « Les bus parleront d’eux-mêmes » avait –il déclaré. Il a eu raison car, ils sont visiblement très silencieux sur les routes abidjanaises. Au grand désarroi des usagers, surtout des élèves et de leurs parents, obligés de consentir plus de dépenses afin que les enfants rejoignent leurs écoles.
Raïssa Yao