Faut-il oui, ou non pour un organe de presse et d’information, donner la parole à des groupes terroristes reconnus comme tels ? C’est la question qui se pose après la décision des autorités de la transition au Burkina Faso contre France 24, accusée de propagande du terrorisme.
Dans un communiqué publié dans la matinée du lundi 27 mars 2023, Ouagadougou a ordonné la suspension des programmes de France 24 sur le territoire Burkinabè. Les autorités de la transition au pays des Hommes intègres accusent la chaîne de télévision française de « largesses éditoriales » à l’endroit de AQMI, un groupe terroriste qui sévit dans le pays, et dont le chef a eu un entretien avec le média.
Mécontentes de cette lucarne offerte au chef terroriste, les autorités burkinabés ont pris cette mesure contre le média français. Une situation qui soulève la question de l’opportunité des organes de presse et d’information de donner la parole à des groupes ou à des personnes peu recommandables.
Pour David Youant, le directeur de Alerte Info et enseignant en journalisme, la question ne devrait pas se poser.
« D’un point de vue journalistique et pour le droit à l’information, je pense qu’il faut donner la parole à ceux qui sont incriminés pour un équilibre de l’information. Le faire, ce n’est pas systématiquement être dans une posture de favoriser le groupe rebelle, le groupe terroriste ou de participer à la propagande. On donne la parole dans le but d’équilibrer », analyse pour 7info, l’auteur de « Le management des médias en Afrique, les sept clés pour un succès éditorial et commercial ».
LIRE AUSSI: Burkina Faso : après une interview avec le chef de AQMI, la chaîne France 24 suspendue
Selon le journaliste, Ouagadougou et Paris ne filent plus le parfait amour depuis plusieurs mois. « Le Burkina Faso, dit-il, se trouve dans une logique de couper toutes relations d’avec la France au niveau diplomatique, politique, militaire et sécuritaire. Cette rupture des relations va désormais dans le domaine médiatique. Avant France 24, il y a Rfi qui avait été suspendue. Le Burkina Faso est dans cette logique d’affirmation de son autorité et de son indépendance vis-à-vis de la France ».
David Youant fait également remarquer que la suspension des médias n’est pas un fait nouveau.
« Nous avons vu quand la guerre en Ukraine a commencé, que plusieurs pays de l’Union européenne dont la France elle-même, avaient suspendu sans coup férir deux médias russes que sont Spoutnik et RT France. Lesquels médias ont été complètement bannis de l’espace de l’Union européenne », rappelle le journaliste ivoirien.
Pour David Youant cependant, ces exemples et faits ne doivent pas altérer le travail réel du journaliste qui est d’équilibrer les informations.
« Je pense qu’il faut nécessairement donner la parole aux groupes armés… De mon point de vue de journaliste, je suis contre la censure et l’autocensure sous toutes ses formes. Je suis pour le pluralisme, pour l’équilibre de l’information. À l’auditeur ou au téléspectateur ou lecteur de se faire sa propre opinion », conclut-il.
Richard Yasseu