Consultant international, président-fondateur du mouvement citoyen « Nous Sommes Un (NS1) », Synzi Dadié donne son avis sur les futures échéances électorales suite à la décision du Président Ouattara de se retirer de la course.
Comment voyez-vous la Côte d’Ivoire à l’aune des futures échéances électorales cette année?
La Côte d’Ivoire est de retour à la période fatidique des élections. Ce qui, en principe, doit être une période de triomphe pour tous et d’opportunité pour renforcer les fondamentaux de la nation, a aussi ses allures de doutes.
Mes impressions sont que les acteurs socio-politiques doivent se mettre dans les meilleurs dispositions et allier leurs forces de sorte à aplanir les difficultés auxquelles renvoi une telle période aussi sensible. De tous les bords, rien ne démontre que le pays est vraiment prêt et a la bonne démarche pour ce processus ; en revanche, rien ne nous condamne à ne pas en sortir plus grand.
Je veux donc souligner que des espérances existent. Surtout par le fait que le peuple présente une volonté de voir aboutir ce processus dans la paix. Si l’on suit donc la volonté du peuple, le mal sera loin de nous. Quant à l’aspect technique, on a par exemple négligé ou lésiné sur la question de l’établissement des CNI. On savait tous que ça expirait, pour de nombreux ivoiriens, en 2019.
On peut toujours rattraper en introduisant des dérogations, comment ne pas faire de la CNI un document obligatoire pour voter.
Quel regard portez-vous sur la situation générale du pays?
C’est une question d’ensemble. La Côte d’Ivoire se porte bien selon son histoire. Pays résilient mais aussi du doute qui est partagé, la Côte d’Ivoire reste une terre d’espérance et d’avenir.
Sur les libertés fondamentales, comment jugez-vous l’évolution de la situation?
La liberté d’expression souffre sûrement des manquements que nous connaissons. La rigidité de l’État s’exprime à travers des emprisonnements qui ne semblent pas nécessaires à l’honorabilité des gouvernants. Car il y a Carton Noir. Un jeune activiste qui est toujours en prison. Il y a aussi le cas des journalistes, interpellés pour des écrits. Bien entendu, cette liberté est à 2 sens à l’instar de la responsabilité de chacun. Cela dit, reconnaissons qu’il y a eu une évolution depuis 2011. La société civile a gagné de l’espace et s’exprime un peu plus que durant la période post-électorale. Dans un tel biotope socio-politique, le défi pour les gouvernants sera de garantir la liberté de participer à la vie démocratique, dont l’expression ultime est le vote. Cela implique la mise à disposition d’un processus que nous ne regretterons pas. Transparent , inclusif, accessible et surtout sécurisé pour tous.
La Justice ivoirienne est-elle à même de rassurer vos compatriotes, même en dehors de la sphère politique?
Je n’ai aucun jugement à porter sur la justice ivoirienne. Qu’elle s’inscrive dans un démarche positive pour le pays en agissant selon nos lois et sans laisser des antécédents compromettants. Elle a le devoir de se démarquer des émotions et de ne se laisser assujettir un patronat qui la viderait de sa substance. Nous savons par ailleurs que notre système judiciaires a besoin d’être davantage modernisé afin de traiter avec efficacité les cas critiques.
Quel est votre avis sur la question de l’augmentation de la caution pour la candidature à l’élection présidentielle et surtout les abus sur la Constitution?
C’est vrai et c’est malheureux que certains leaders politiques devenus présidents cherchent à créer des conditions qui écartent beaucoup. Mais le président Ouattara qui a annoncé qu’il ne sera pas candidat, à moins de se soustraire à son image, reste un gentleman qui ne voudrait pas voir la gravure « exclusionniste » sur l’épitaphe de son dernier mandat. Je pense donc que le processus doit être ouvert pour le bien de tous. Quant à l’affaire du montant de la caution dont il faut s’acquitter pour être candidat à la présidentielle, c’est inacceptable. On ne peut pas la fixer arbitrairement à 50 millions de FCFA . Ça exclurait beaucoup et ne ferait pas de bien à la démocratie dans notre pays. Espérons donc qu’avec son retrait définitif de l’échéance de 2020, le président se présentera au monde comme un bon organisateur d’élection dans ce pays qui lui aura tout donné.
En tant que président-fondateur du mouvement citoyen NS1, que proposez-vous pour optimiser le respect des libertés en Côte d’Ivoire ?
Le respect des lois. C’est la panacée. Quand on se plaint d’injustice, c’est que les lois sont piétinées. Quand on regrette le manque de liberté, c’est que les lois sont remises en cause. Et cela vaut pour tous.
Comment optimiser les libertés publiques avec une opposition qui attaque le pouvoir sur ce chapitre?
S’ils arrivent à parler de dictature, c’est qu’ils en ont au moins la liberté. Vous comprenez donc.
Pour ma part, je parlerai plutôt de rigidité ; je parlerai de crainte de l’ouverture et des opportunités, des possibilités prodigieuses qu’offre la démocratie. Que le gouvernement ou le régime accepte de faire ce grand bond qui ouvre les portes à une démocratie participative. Ainsi, aurons-nous un pays résolument tourné vers le développement dans une synergie des communautés et avec solidarité. C’est cela le charme de la démocratie. Et il faut l’embrasser sans crainte.
Quel bilan pouvez-vous établir du bilan de gouvernance d’Alassane Ouattara qui a décidé de ne pas être candidat cette année?
Positif pour les infrastructures, le bilan est mitigé pour le développement durable. En effet, on se déplace mieux, il y a aussi un regain tangible au niveau du monde des affaires. Même s’il serait curieux de parler d’émergence comme prophétisé par le président. Mais Je vous surprendrai quand je dirai que sous l’administration Ouattara, la forêt, l’environnement a pris un gros coup. La Côte d’Ivoire a perdu 80% de sa forêt et en 2017 seulement avec l’acharnement agricole la forêt ivoirienne a perdu l’équivalent de 15.000 terrains de foot au profit du cacao. C’est immense et horrible. Je ne m’étendrai pas sur la dette qui malgré l’oxygène offerte par le PPTE, a connu une montée vertigineuse en l’espace de 9 ans pour être au niveau où elle est. Dans l’administration, on a raté le virage de la modernité et de la gestion objective en tombant dans la léthargie de la corruption et du favoritisme clanique. C’est curieux pour un homme qui inspirait la modernité.
Quant aux hommes, le gouvernement n’a pas su allier social et respect du vivre-ensemble dans ses nombreuses initiatives de développement d’infrastructures. On est tous d’accord que la route précède le développement. Et le président Ouattara l’a compris. Mais ne doit-on pas voir au-delà ? N’est-ce pas le capital humain et environnemental qui précède le tout.
Des familles ont souffert et continuent à souffrir de déguerpissements. Côté éducation, les indicateurs ne sont pas forcément positifs. Des question épineuses liées au foncier sont restée sans suite. Il aurait fallu des réformes sur mesure. Mais il y a aussi les casseroles de la crise post-électorale de 2010 dont certains acteurs sont en prison aussi bien en Côte d’Ivoire qu’à l’extérieur. Le président Gbagbo et Charles Blé Goudé notamment. Doit-on croire que ce dossier si cher à la cohésion sociale tombera comme une patate chaude dans les mains du prochain président…
Le président Ouattara a donc des actifs qui plaide d’une certaine manière en sa faveur, mais les passifs sont tels que l’on pourrait décrire sa gouvernance en parlant d’un leadership transactionnel, à l’opposé d’un leadership transformationnel auquel nous croyons fortement. Somme toute, sous l’administration du Pr. Ouattara, la pierre a été honorée, tandis que le capital humain a pris un coup. Cependant, une de nouvelles perspectives s’ouvre avec le départ du président Ouattara. Le défi revient donc aux prétendant à la présidentielle.
Quelle aurait été vos propositions?
En 3 points si vous permettez:
Au plan environnemental, faire de l’écologie le facteur de chaque pas, de chaque action gouvernementale. Les politiques environnementales sont mal ficelées. Le président aurait pu initier une véritable et vaste politique de « Renaissance Écologique ». Au niveau des déguerpis, il ne s’agit pas de se contenter de petites pécules octroyés à des familles ml installées durant des desseins. Il fallait mettre en place un plan de logement provisoire avant d’engager les déguerpissements. Quid à reconstruire un camp militaire hors de la ville et utiliser le camp d’Agban comme zone de logement provisoire.?
Quant à l’administration en général, il faut dématérialiser et réduire la main humaine dans les procédure administratif qui donne l’opportunité à tant de tracasserie. Au niveau de la ressource humaine administrative, il faut simplement faire confiance à la compétence des ivoiriens sans exclusive . C’est cela que le mouvement Nous Sommes Un prône.
Que devrait faire le Président de la République, non candidat, afin que les prochaines présidentielles bénéficient du sceau de la crédibilité si tant est-il qu’il a quelque acte à poser?
Les élections auront lieu et il le faut. Sauf cataclysme. Leur déroulement et leur crédibilité sont une autre manche qui dépend uniquement de la volonté président de la République. Cela dépendra de l’image qu’il veut laisser au monde. Toutes les conditions ne seront jamais réunies pour certains acteurs. Elles le seront pour d’autres. On peut le dire ainsi. Mais il faut que l’effort qui doit être fait par les tenants du pouvoir, le soit pour ne pas être comptables de tout dérapage.
La CEI qui installe ses représentations extérieures en ce moment vous rassure-t-elle pour la bonne conduite des opérations électorales et éviter le remake de 2010?
Doit-on avoir des attentes de notre Commission électorale ? Je ne crois pas. Nous avons un modèle de CEI qui n’arrangera jamais personne. C’est-à-dire que la CEI est Multi-dépendante, sinon dépendant des partis politiques qui eux cherchent tous le pouvoir. Il faut changer ce paradigme. Il faut retirer tous les partis politique de la CEI, faire confiance à la société civile et à l’administration pour sa gestion permanente et ne faire appel aux partis politiques que sur la base de leur participation aux élections, c’est donc spontané et périodique. C’est-à-dire que seuls les partis ou personne indépendante engagés dans les élections, sont inclus dans la CEI, y ont des représentants, le temps de ces élections avant de se retirer après le processus.
Quant à l’idée d’un remake de 2010, je ne crois pas que cela se passera. Simplement parce que ceux qui sont dans l’opposition aujourd’hui n’ont pas une culture (et c’est leur histoire d’opposant qui le démontre) de pousser la belligérance jusqu’aux armes. Nous connaissons les méthodes de chaque camp politique dans le pays. Prenons donc tous de la hauteur et agissons avec maturité pour le bien de notre nation.
Pour vous, sur la question de la carte nationale d’identité, comment faire pour ne pas biaiser le processus électoral?
On aurait pu anticiper en introduisant des mesures dérogatoires. On savait que des CNI expiraient en 2019. Si on s’en tient au fait que le vote passe par la présentation d’une CNI, alors il faut mettre les bouchées doubles en ouvrant le maximum de centres d’enrôlement à la disposition des requérants. On peut se référer aux listings de 2000, 2010. Autoriser le vote avec le certificat de nationalité, avec le passeport par exemple. Il y a donc des options. Il faut innover.
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