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Taxes douanières Trump : faut-il craindre pour l’AGOA et le cacao ivoirien ?

Mis à jour le 7 avril 2025
Publié le 07/04/2025 à 4:11 , , , , ,

Le 2 avril 2025, Donald Trump, le président américain, a secoué l’économie mondiale avec l’annonce de hausses brutales des tarifs douaniers sur une vaste gamme de produits, frappant directement plusieurs pays africains, dont la Côte d’Ivoire.

 

Les nouvelles taxes douanières Trump, variant de 10 % à 50 %, laissent un goût amer.

En Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire est la plus touchée. L’administration Trump a fixé une taxe de 21% sur ses exportations vers les États-Unis.

Mais derrière cette offensive commerciale se cache une question brûlante : que va devenir l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), un accord fondamental pour les échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Afrique ?

Depuis son adoption en 2000 sous Bill Clinton, l’AGOA a offert aux pays africains un accès privilégié au marché américain, sans taxes douanières sur de nombreux produits, dont le cacao.

« L’AGOA permet de prendre des matières premières en Côte d’Ivoire.

Grâce à cette loi, on peut les vendre aux États-Unis et, à l’entrée, on ne paie pas de taxes, pas de droits de douane » explique à 7info, docteur Ange Ponou, un économiste.

« Les nouvelles taxes de Trump tuent l’AGOA complètement car si, maintenant, en Côte d’Ivoire, pour exporter aux USA il faut appliquer des droits de 21 %, ça veut dire que l’AGOA n’existe plus» rajoute-t-il.

Pour la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, cette législation a été une bouée de sauvetage économique, rendant ses exportations vers les États-Unis bien plus compétitives.

Le pays a produit entre 2,10 et 2,15 millions de tonnes de fèves de cacao entre 2019 et 2022, avec un pic à 2,25 millions en 2021, selon l’ICCO.

Les exportations ivoiriennes ont trouvé des débouchés principalement en Europe, mais les États-Unis restent un marché important.

En 2022, les Pays-Bas étaient le premier importateur avec 22,8 % des exportations, suivi par la Belgique avec environ 15 %.

Mais pour la Côte d’Ivoire, le marché américain reste vital, et cette nouvelle taxe pourrait perturber l’équilibre.

En 2022, 127 millions de dollars (soit 6,8 milliards FCFA) de produits ivoiriens, principalement du cacao, ont été exportés vers ce pays.

Les États-Unis sont un client précieux, mais l’annonce de nouvelles taxes douanières pourrait sérieusement nuire à la compétitivité du cacao ivoirien. Surtout au pays de l’Oncle Sam.

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« La Côte d’Ivoire exporte essentiellement des fèves de cacao et du caoutchouc aux USA.

En 2023, elle était aux environs de 500 milliards de FCFA de recette d’exportation vers les États-Unis », rappelle docteur Ange Ponou.

« Avec l’entrée en vigueur des taxes, il faut payer des droits de douane. Quand on ira vendre le cacao ou le caoutchouc, ces produits seront donc plus chers pour les industriels américains.

Le risque ? C’est que, si c’est plus cher de s’approvisionner en Côte d’Ivoire, ils vont chercher ailleurs, dans des pays où le cacao est moins cher », analyse l’universitaire.

La mise en place d’une taxe de 21 % sur les exportations ivoiriennes pourrait rendre le cacao ivoirien moins attractif sur le marché américain.

Les industriels risquent de se détourner au profit d’autres producteurs.

« La difficulté pour la Côte d’Ivoire, c’est de trouver un autre partenaire. Les États-Unis, en matière d’industrie chocolatière, sont un grand pays.

On ne peut pas les remplacer facilement », explique le docteur en économie.

L’AGOA en sursis : quel avenir pour l’Afrique ?

L’AGOA, bien qu’encore en place jusqu’à fin 2025, se retrouve fragilisée par ces nouvelles taxes douanières Trump.

Si elles perdurent, la Côte d’Ivoire et d’autres pays africains risquent de perdre un avantage compétitif majeur sur le marché américain.

Le pays devra désormais prendre des mesures stratégiques pour diversifier ses marchés d’exportation.

La diversification vers l’Europe, l’Asie ou l’Amérique latine devient non seulement une option, mais une nécessité.

Une telle approche permettrait à la Côte d’Ivoire de réduire sa dépendance aux fluctuations du marché américain.

« Dans un premier temps, on aura des difficultés pour écouler les fèves, alors que c’est un secteur qui fait vivre beaucoup de personnes en Côte d’Ivoire.

Les impacts vont se ressentir à court terme », craint Docteur Ange Ponou.

Mais les conséquences pourraient être encore plus profondes, selon l’économiste :

« À moyen terme, la Côte d’Ivoire cherchera d’autres pays ou clients pour vendre ses fèves. Mais à court terme, la mesure peut avoir un impact même sur les réserves de change, car le cacao constitue la principale source d’entrée des devises dans le pays.

Et le dollar étant la devise de référence au niveau mondial, avoir des dollars dans ses réserves est crucial ».

Les effets immédiats des nouvelles taxes de Trump sur le secteur du cacao ivoirien sont donc indéniables.

Eirena Etté

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