La transformation profonde des mentalités africaines, sera au centre des premières universités ouvertes de la société civique en Afrique. Ce samedi 19 mai à Abidjan, intellectuels, leaders d’opinion et membres de la société civile africaine se retrouveront pour penser le développement du continent. En prélude à l’événement, Gilles Atayi, commissaire général de ce forum, a accordé une interview à Poleafrique.info, pour donner les motivations d’une telle rencontre.
Que représente un tel événement pour le continent africain, et aussi pour l’occident qui le suivra sûrement de près ?
C’est un appel à la conscience. Nous sommes africains mais n’avons pas encore conscience du potentiel phénoménal que nous représentons. C’est tout ce que nous voulons. Les africains doivent comprendre la place qu’ils occupent dans ce monde afin de se dimensionner conséquemment, pour amorcer le développement. A moins d’avoir un agenda caché, l’occident veut aider l’Afrique. Ainsi, nous pensons que nous devons d’abord nous concerter, réfléchir et discuter afin de lui signifier les points sur lesquels nous souhaitons recevoir son aide.
Ce forum est important selon vous. Mais pourquoi êtes vous convaincus de changer les mentalités au soir de cette rencontre ?
Je ne pense pas pouvoir changer les mentalités avec un événement. Ce serait irresponsable de ma part, de le prétendre. Mais il faut commencer un jour. Ce que nous allons faire, prépare la réponse à plusieurs questions. Nous voulons faire trois choses. Premièrement, le regard que nous portons sur nous mêmes africains, doit changer. Cela, on doit pouvoir le faire avec les 1500 personnes invitées à ce forum. Deuxièmement, Il faut que le regard que les autres portent sur l’Afrique change. Et enfin, nous devons tous être des acteurs engagés de notre développement. Chacun doit être responsable de ce qu’il fait et prendre en compte que ses actes peuvent impacter l’avenir du continent. Il ne faut faire que ce qui fera avancer l’agenda du développement et la transformation positive de l’Afrique.
On a l’impression que vous aspirez véritablement à un changement profond de la société africaine. Quels sont les maux du continent auxquels vous souhaitez vous attaquer concrètement?
Le premier mal à guérir qui pourra déclencher les autres solutions, c’est le manque de confiance. Nous n’avons pas confiance en nous. Nous ne nous connaissons même pas. Nous voulons emmener le continent africain à comprendre qu’il est tout à fait possible de réussir avec ses propres forces.
La société civile africaine, a t-elle la capacité d’influer sur le comportement des dirigeants politiques du continent ?
Il faut savoir que les dirigeants sont des personnes de la société civile. Avant de mettre leurs costumes pour rejoindre leurs bureaux, ce sont des personnes qui s’inquiètent de la santé de leurs enfants, de leur éducation, qui prennent soin de leurs parents, leurs neveux ou cousins au village. Il faut donc créer une masse critique, afin qu’ils soient les premiers concernés par la transformation de l’Afrique. Qu’ils sachent que nous avons les mêmes préoccupations et donc les mêmes besoins. Nous sommes tous concernés. Et cet événement n’est pas organisé contre qui que ce soit. La seule chose que nous recherchons, c’est l’éveil de consciences. Les premières universités ouvertes de la société civique en Afrique, représente le départ des solutions que nous voulons mettre en place pour le développement du continent.
Au confrère TV5 à qui vous avez accordé une interview, vous avez parlé de retour aux valeurs comme l’une des solutions, pour amorcer la transformation du continent. De quoi s’agit-il réellement ?
Je parle d’une mentalité agissante. Je ne vais pas citer toutes les solutions ici mais sachez que quand j’ai commencé à travailler sur ce projet, j’ai découvert la charte du « Mandé ». Savez-vous que la déclaration universelle des droits de l’homme, est une pâle copie de cette charte africaine ? Nous, les africains étions en avance sur beaucoup de choses. Mais aujourd’hui, nous avons perdu les repères, nous sommes au milieu du guet. Il est temps de se réveiller. L’Afrique vous le savez déjà est le berceau de l’humanité. Il faut savoir que les choses sont nées ici, avant d’être transportées sur les autres continents. Quand on parle de couleur, la vraie, la couleur originale, c’est celle que vous et moi portons. Alors il faut éviter de nous faire croire le contraire. Ce sont toutes ces conceptions que nous allons déprogrammer dans la mentalité des africains en général et des participants à ce forum, en particulier. Nous allons rétablir autant que ce peut la vérité. Sortir de certaines idées préconçues et je sais qu’à partir d’un tel événement, nous marquerons les esprits.
L’Afrique est-elle victime de son histoire ? Si tel est le cas, comment transcender cela ?
Oui elle l’est et pourtant, son histoire devait être à son avantage. Pendant cette journée nous allons inviter des intellectuels africains, des sachant. Ils viendront raconter la vraie histoire du continent, celle que les occidentaux ont tronquée. Ce sera un moment de partage, de discussions et de foisonnement d’idées afin de poser les bases d’une Afrique prospère. C’est donc le lieu d’inviter tout le monde à ce forum. C’est en travaillant sur l’histoire méconnue de l’Afrique que nous pourrons réussir. Vous connaissez surement cet adage qui dit que tant que les lions n’auront pas d’historiens, les histoires de chasse tourneront toujours à l’avantage des chasseurs. Nous devons nous raconter nous mêmes. Quand je pense à certaines personnes, des précurseurs comme Cheick Anta Diop, qui ont prêché dans le désert et dit des choses qui se réalisent aujourd’hui, je me dis qu’il est temps que les mentalités changent. Tous les africains conscients doivent prendre part à ce forum. Il est temps de décider pour nous mêmes et ne pas marcher dans les sentiers tracés, et qui ne marchent jamais. L’Afrique ne pourra s’émanciper que si nous arrivons à mobiliser des masses critiques. Et cet événement est un virage très important pour le continent.
Eric Coulibaly
Source : Poleafrique.info