Le calme est revenu à Zouan-hounien. La vie quant à elle, n’a toujours pas repris son cours normal habituel.
Il est 10h35min quand l’équipe de reportage de PoleAfrique.info arrive dans la cité aurifère. Théâtre d’un affrontement meurtrier le mercredi 21 novembre 2018 entre les communautés Dan et Malinké. Un affrontement qui a fait 4 morts et une quarantaine de blessés.
C’est un décor d’après guerre qu’offre la ville natale du ministre Albert Mabri Toikeusse à tous visiteurs ce jeudi. Les rues qui d’habitude grouillent de monde avec les vrombissements des motos et autres engins sont vides. La quasi-totalité des magasins en bordure de la voie principale sont parties en feu.
Le spectacle est tout simplement désolant et difficile pour les personnes sensibles de retenir leurs larmes. Les images que nous voyons, montrent l’atrocité des affrontements qui ont eu lieu les mardi et mercredi dans cette cité.
Dépôt de boissons encore en feu, de la cendre et de la fumée en lieu et place des marchandises et leurs propriétaires, des voitures entièrement calcinées, des maisons, pillées, incendiées ou cassées. Même la seule pharmacie de la ville n’a pas échappée à la furie des manifestants. Elle est complètement pillée et partiellement brûlée. Les gares des compagnies de transport aussi. Des images qui illustrent la barbarie qui a eu cours dans la journée du mercredi surtout.
Plus loin à quelques centaines de kilomètres de la rue principale, notre équipe est attirée par un attroupement. Renseignement pris, il s’agit du ministre Mabri Toikeusse, dépêché par le chef de l’État pour s’enquérir de la situation. Il échange avec des jeunes sur la nécessité de la paix à une place dénommée « 5 carrefours », située à quelques encablures du Lycée Koui Mamadou.<<Je vous exhorte à approcher vos camarades des autres communautés pour rassurer et reconstituer la cohésion sociale et le vivre ensemble dans notre cité>>, conseille-t-il.
La rencontre terminée, la délégation du ministre sillonne la ville pour se faire une idée du sinistre. Plusieurs résidences sont parties en fumée. Des commerces brûlés. Des chefs de famille contiennent difficilement leurs larmes face au ministre.
<<Qu’avons-nous fait pour subir tout ça>>, s’interroge Ladji, un chef de famille. L’on peut dénombrer une centaine de ménages sans abri.
A l’hôpital général, où nous nous sommes rendus, difficile de se frayer un chemin. Dans la cour de cet établissement sanitaire, des dizaines de familles s’y sont réfugiées. En majorité des femmes et des enfants. A l’intérieur dans les salles d’hospitalisation chirurgicale, une quarantaine de blessés sont internés dont la plupart tailladée à la machette. L’un deux qui a vu ses deux jambes brûlées, crie atrocement de douleur, à notre passage.
Après l’hôpital, cap sur le village de Gbapleugningleu, localité située à 3 kilomètres de Zouan-Hounien. Des cabanes sont incendiées, des toitures arrachées et aussi la mosquée du village saccagée, tel est le décor qui nous accueille.
Dinneu est le village du jeune Kolé Dénivèle, 11 ans tué par le chauffeur et son apprenti. 20 kilomètres et nous y voilà. L’atmosphère est lourde. La douleur de la disparition tragique du jeune élève est encore perceptible sur tous les visages. La volonté de venger le garçonnet a causé d’énormes préjudices aux allogènes du village, qui selon le chef de la famille endeuillée, sont innocents.
<<La plupart de nos vieux et surtout nos parents Malinké ont fui pour trouver refuge au Liberia. Toutes leurs maisons ont été pillées, saccagées et brûlées. Ils ont quitté le village parce que nous n’avions pas pu contenir la colère des jeunes du village>>, relate Pierre Ounguian, porte-parole de la famille éplorée.
Ce dernier reconnaît qu’entre eux et les allogènes ce sont des amitiés de longue date et une cohésion sociale parfaite. Le chef de famille Ounguian Pierre accuse le corps médical, qui selon lui aurait fait établir un document où les circonstances du décès de l’enfant seraient mal renseignées. Notre quête pour avoir ledit document, est restée vaine.
Retour à Zouan-Hounien, présence d’un impressionnant détachement des forces de l’ordre. Les rues sont encore désertes. Seules les forces de l’ordre sont visibles dans les endroits stratégiques et dans les rues. Vu la gravité de la situation, Mabri Toikeusse initie une réunion avec toutes les communautés et les forces vives de la ville. Objectif: Délivrer à tous le message de compassion du gouvernement et appeler au calme définitif. Au nom du gouvernement, le ministre a offert la somme de 6,5 millions aux populations sinistrées. Non sans informer que les frais funéraires et les soins des blessés seront entièrement endossés par l’État ivoirien.
Notons que le conflit a failli se déporter à Danané où l’équipe du nouveau maire élu, a usé de tous les moyens pour contenir les jeunes.
Olivier Dan, Correspondant Ouest